« Chaque film sème les graines d’une révolution »

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Les chiffres donnent le tournis: vingt et un documentaires, près de cinquante courts-métrages et vingt-six longs métrages projetés en une semaine. Le programme du Festival international du film oriental de Genève, qui a ouvert ses portes hier, est riche en découvertes.
Derrière la toile, un homme: Tahar Houchi. Directeur artistique du festival, cet Algérien d’origine est un cinéphile averti – il a couvert d’innombrables festivals de films comme journaliste – et un humaniste convaincu. «Le cinéma sert à porter un regard nouveau sur l’autre, sur la diversité du monde qui nous entoure», souligne-t-il. C’est en cherchant à parler de la culture berbère que l’aventure commence. «En 2004, alors que personne n’avait un sou à investir dans un projet de ce genre, j’ai pris contact avec des jeunes producteurs du Maghreb. Malgré l’absence de pub autour de cet événement, j’ai eu la bonne surprise de voir débarquer près de 80 personnes dans les salles!»,se réjouit-il.
Tahar Houchi décide de ne pas en rester là. Contacts avec des cinéastes d’ici et d’ailleurs, création d’un programme oriental… Sa formule attire près de sept cents personnes lors de l’édition suivante. C’est qu’il prône un cinéma aux antipodes du traditionnel triptyque «pop-corn et glace engloutis devant un film américain grosse production». Tahar Houchi est en quête de partage; il aime les émotions nées des rencontres entre public et réalisateurs. Et surtout,le regard différent que le cinéma offre sur un monde, qu’il y a «urgence à comprendre autrement que par l’actualité dont on nous abreuve à longueur de journée».
Parions que cette année, il y aura foule: les révolutions arabes ont exacerbé l’intérêt pour un Orient qui bouge, et qui nous surprend d’autant plus que le cinéma n’a jamais cessé d’y être une passion populaire, quelles que soient les dictatures.«Les cinéastes arabes, qui ont longtemps vécu dans la crainte d’être jetés en prison, ont été obligés de développer des techniques pour faire passer leur message en douce. Résultat, à côté de l’industrie du film à l’eau de rose, le cinéma oriental peut se targuer de très belles créations.»
Cette année, ce sont les jeunes et les minorités qui sont à l’honneur. Une manière de rendre hommage à ceux qui ont osé parcourir le chemin de la liberté et une façon de rappeler, aussi, que cette démocratie doit reconnaître que la pluralité est une richesse. «La démocratie dans la diversité», résume le cinéphile dans un sourire. Cet humanisme caméra au poing fera certainement de nombreux heureux du côté de Genève.