Les coptes veulent y croire

Ce que souhaite Amr El Shoubaki, analyste égyptien de renom, c’est que les coptes saisissent l’occasion d’une Egypte qui évolue «pour évoluer eux aussi et sortir des murs de leurs églises», devenues un véritable Etat dans l’Etat. Photo: manifestation sur la place Tahrir, IStock archives.

Les tensions continuent en Egypte et les chrétiens craignent toujours les débordements. Certains s’engagent sur le terrain politique en créant un parti laïc.

L’état d’âme des chrétiens? «Un peu inquiets, mais optimistes», résume Youhanna Golta. Né en 1937, il est vice-patriarche des coptes catholiques d’Egypte. Pendant quelques semaines bénies, les questions confessionnelles ont été mises au placard: pour faire tomber Moubarak, tout le monde y a mis du sien. Sur la place Tahrir, aucune référence religieuse. Même le vice-patriarche a été «membre d’un comité révolutionnaire» comme il le dit sur un ton malicieux, mais pas en tant de prêtre. «Comme penseur» dit-il fièrement.

La page des attentats contre les églises est-elle tournée? C’est du moins ce qu’espère Youhanna Golta, qui a célébré «une messe pour tous les jeunes, chrétiens et musulmans, qui sont morts pendant la révolte» et qui est «très heureux de tous ces changements». Mais, nuance-t-il, aucune révolution n’est toute rose et le point sombre de celle-ci, pour l’ecclésiastique, ce sont ces islamistes «qui profitent de la transition politique pour s’approprier la révolution. Ils veulent endoctriner le peuple égyptien, qui n’a jamais été violent ou intolérant. Mais voyez-vous, près d’un Egyptien sur deux ne sait ni lire ni écrire. Or, le manque d’éducation rend vulnérable aux slogans faciles».

« Ce sont des fanatiques »
Que pense-t-il de l’initiative du guide suprême des Frères musulmans, Mohamed Badie, qui a demandé à rencontrer le patriarche orthodoxe Chenouda III? «De la comédie, s’exclame-t-il! Personne n’est dupe: les Frères sont des fanatiques. Tout ce que j’espère, c’est qu’ils retiennent la leçon de la révolution: politique et religion ne font pas bon ménage».

Cette méfiance de Mgr Golta, Amr El Shoubaki, analyste égyptien de renom, la comprend parfaitement. «Comment voulez-vous transformer en quelques semaines des craintes si profondes? Les Frères ont créé ‘Justice et liberté’, un parti soi-disant ouvert à tous. Moi, je doute d’y voir un seul chrétien» souligne-t-il. Ce qu’il souhaite, c’est que les coptes saisissent l’occasion d’une Egypte qui évolue «pour évoluer eux aussi et sortir des murs de leurs églises», devenues un véritable Etat dans l’Etat. Leurs dirigeants aussi doivent s’ouvrir au changement. «Je vous rappelle que le patriarche orthodoxe Chenouda III a soutenu Hosni Moubarak jusqu’à sa destitution!»

Contre l’armée
Les Frères musulmans? «Conservateurs, mais pas violents. Ce sont des Egyptiens avant tout et les Egyptiens sont des gens ouverts.» Il en veut pour preuve le succès du nouveau parti laïc «Les Egyptiens libres» créé par un copte, Naguib Sawiras: huit de ses partisans sur dix sont musulmans. «Dans les semaines qui viennent, il y aura des débats entre communautés, mais nous parviendrons à un consensus», assure-t-il. D’autant plus qu’en réalité, coptes et islamistes ont un ennemi commun: l’armée égyptienne. Une armée qui a condamné, la semaine dernière le bloggeur Maikel Nabil à trois ans de prison. Son crime: avoir critiqué les institutions militaires. En a-t-on vraiment fini avec l’ère Moubarak?

Les coptes veulent y croire