Les Suisses du Liban fêtent le 1er août dans la peur de la guerre

Les réfugiés syriens sont très nombreux au Liban. Photo: IStock
Le menu des Suisses établis au Liban pour le 1er août: rösti, gâteau aux carottes, raclette… et craintes pour l’avenir. Car l’organisation des festivités ne peut faire oublier qu’à quelques kilomètres de Beyrouth, une guerre civile ravage la Syrie et pourrait s’étendre au « pays des cèdres ».
L’ambiance n’est pas à la fête mais Astrid Fischer-Khalifé, établie depuis vingt-deux ans au Liban, s’est jurée que les inquiétudes au sujet de la stabilité de la région n’auront pas raison du 1er août. « Nous le fêterons quoi qu’il arrive », souligne-t-elle.
Présidente du club « Les amis de la Suisse » qui existe depuis 2008, elle organisera une réception en l’honneur de la douce Helvétie à l’hôtel Mövenpick de Beyrouth. But de la soirée: partager un bon moment dans les odeurs de raclette, de la saucisse des Grisons et des rösti. L’entrée – 50 dollars – n’est pas accessible à toutes les bourses, mais Astrid Fischer-Khalifé attend tout de même « une centaine de convives ».
Inquiétude pour les minorités
L’ambassade suisse à Beyrouth dénombre 1374 citoyens helvétiques inscrits auprès de ses services. La plupart d’entre eux possèdent la double nationalité ou sont mariés, en majorité à des Libanais chrétiens. Pour Astrid Fischer-Khalifé, cela influence leur opinion sur la guerre en Syrie. « Les minorités religieuses du Liban craignent la chute du régime al-Assad. Au moins, le régime actuel laisse les minorités vivre tranquilles. Mais l’avenir est incertain et cela nous fait peur », avoue-t-elle. Cette épouse d’un haut gradé de l’armée libanaise, établie depuis 22 ans au Liban, raconte à l’ats qu’elle voit « des réfugiés syriens arriver par centaines chaque jour. Ils dorment dehors, travaillent pour dix dollars par jour. La situation est catastrophique, les Libanais craignent qu’ils ne repartent jamais ».
La complexité des enjeux politiques du pays oblige cependant à une certaine prudence. « Le Liban est peut-être le seul pays arabe qui connaît la liberté d’expression mais quand on parle trop fort on risque toujours d’être assassiné », glisse Astrid Fischer-Khalifé. Par conséquent, « au Club des amis de la Suisse, on essaye d’éviter les problèmes politiques ». Mais on n’esquive pas les problèmes sécuritaires. Mercredi soir, l’ambassade de Suisse a convoqué les responsables de secteurs pour revoir les procédures d’évacuation des citoyens helvétiques. Au cas où.
Du Gruyère au menu
Lucie Frauche-Rajha réside à Beyrouth depuis six ans. Elle est mariée à un Libanais et bientôt mère d’une deuxième fille. Son bonheur familial ne peut lui faire oublier ce qui se passe de l’autre côté de la frontière. « On connaît toujours quelqu’un qui connaît quelqu’un qui est impliqué », raconte-t-elle. Impliqué comme Daoud Rajha, un oncle éloigné du mari de Lucie: tué mercredi dans un attentat à Damas, il était le général de l’armée fidèle à al-Assad. La situation de la communauté chrétienne, au Liban comme en Syrie, préoccupe particulièrement Lucie Frauche-Rajha. « On vit dans la peur que les chrétiens soient expulsés de leurs terres natales comme ça a été le cas en Irak, où ils ont été persécutés à cause de leur foi », explique-t-elle.
Malgré les pesantes incertitudes de la guerre en Syrie, elle non plus ne renoncera pas à fêter le 1er août. « Vous n’imaginez pas combien je suis devenue patriote depuis que je ne vis plus en Suisse », relève-t-elle en riant. Le soir de la fête, Lucie Frauche-Rajha fera honneur à sa tranquille Suisse entourée d’amis et d’un bon morceau de Gruyère. La fondue, en revanche, sera bannie de la soirée. « Ici, il fait plus de quarante degrés. Avec cette chaleur, ce serait écœurant! ».