La non-violence, nouvelle arme du Hamas contre Israël à Gaza

Manifestation à Gaza (image d'archives, 2009. Crédit: IStock Photo)

Vendredi, 20’000 Palestiniens se sont à nouveau approchés de la frontière avec Israël. Leur première marche, la semaine dernière, avait atteint son but malgré les morts

Cela avait beau être écrit noir sur blanc, beaucoup n’en ont pas cru leurs yeux. Le Hamas a appelé jeudi les Palestiniens à maintenir, vendredi, le caractère «pacifique» des manifestations à Gaza contre l’occupation israélienne. La déclaration était tout à fait sérieuse car à l’occasion des «Marches du retour» organisées en vue des 70 ans de la «Nakba» («catastrophe», soit la proclamation de l’Etat d’Israël le 15 mai), le groupe islamiste teste une nouvelle tactique: la non-violence.

Il renonce à l’usage d’armes traditionnelles contre les soldats israéliens lors des manifestations. Vendredi, les Gazaouis mobilisés dans cinq lieux différents le long de 40 kilomètres de frontière ont brûlé des pneus, tiré des cocktails Molotov et lancé des pierres, mais les heurts n’ont pas dégénéré en affrontements armés entre les deux camps. Neuf Palestiniens n’en ont pas moins été tués et environ trois cents blessés.

Fâcheuse impasse

De la part du Hamas, est-ce une révolution stratégique ou une volte-face temporaire? Seul le temps le dira. Le groupe islamiste doit, pour l’instant, se sortir d’une fâcheuse impasse. La construction des tunnels et les tirs de roquettes lui valent des représailles dont l’ampleur ne fait que confirmer la supériorité militaire et technologique de son ennemi israélien. Et la population, déjà écrasée par le blocus et les pénuries, paye le prix fort pour ces opérations dans lesquelles le Hamas tente de prouver qu’il est capable de faire mal.

« A court d’options, le groupe islamiste applique «un adage qu’on connaît bien dans cette région du monde: une politique juste, c’est celle qu’adopte un gouvernement après avoir essayé toutes les autres», soutient Shlomo Brom, spécialiste des relations israélo-palestiniennes à l’Institut pour les études de sécurité nationale.

Si la tactique de ces derniers jours devait se transformer en politique, le Hamas marcherait dans les pas du Fatah qui a officiellement fait de la mobilisation populaire non armée un des piliers de sa lutte contre l’occupation, avec le recours aux pressions internationales. «Les Palestiniens de Cisjordanie sont arrivés à la conclusion, il y a des années déjà, que la violence aggravait les choses au lieu d’améliorer leur condition», soutient Shlomo Brom. Le principe de «soumoud», qui désigne l’endurance face à l’adversité, est d’ailleurs largement appliqué dans les Territoires palestiniens occupés (TPO), qui comptent de nombreux mouvements populaires attirant parfois aussi des activistes israéliens, malgré l’interdiction qui leur est faite de pénétrer en Cisjordanie.

Possible échec

En renonçant à faire feu sur les soldats israéliens, le Hamas a atteint un objectif majeur: faire pression sur Israël en mettant en avant les civils désarmés tués par les snipers de Tsahal. Une réussite due également à l’erreur militaire des Israéliens «qui ont cru que le Hamas voulait avant tout franchir la barrière de sécurité vers Israël alors qu’il s’agissait de faire revenir la cause palestinienne dans le débat international», estime Shlomo Brom. Demandes d’enquête, protestations, critiques, une des journaux étrangers et nationaux… la première marche d’il y a une semaine, lors de laquelle 22 Palestiniens sont morts, a atteint, dans ce sens, son objectif. Celle de vendredi a semblé montrer un peu plus de retenue de la part de l’armée israélienne, ce qui pourrait mettre la tactique du Hamas en échec.

La non-violence n’est pas une potion magique et, pour l’instant, le Hamas demeure loin du soulèvement populaire qu’il a pu espérer. Ce, pour trois raisons: l’ampleur de la mobilisation, le contrôle sur le territoire et la durée des protestations. Ainsi, seuls 20 000 Gazaouis se sont déplacés vendredi pour faire face à l’armée israélienne, sur les quasi 2 millions d’habitants que compte la bande de Gaza. Ensuite, «le Hamas n’est pas un Etat: il n’a pas le monopole de la force mais est concurrencé par d’autres milices comme le Djihad islamique, qu’il ne contrôle pas», relève Shlomo Brom. Enfin et surtout, il reste à savoir si la mobilisation se prolongera assez longtemps pour se transformer en véritable mouvement populaire. «Cela fait plus de dix ans qu’on me prédit une troisième Intifada toutes les années, conclut Shlomo Brom. Il faudrait bien plus que ces derniers événements pour y arriver.»