Le double coup d’Israël à l’Iran

DR

Après que l’armée israélienne a attaqué des bases militaires iraniennes en Syrie dans la nuit, Benjamin Netanyahou a présenté les «preuves» de l’existence d’un programme nucléaire iranien secret.

«L’Iran a menti.» Voilà ce qu’on pouvait lire sur le panneau géant figurant derrière Benyamin Netanyahou lundi soir lors d’un discours très suivi, dans lequel il a présenté plus de 100 000 documents et 183 CD prouvant les «mensonges» de Téhéran au sujet de son programme nucléaire. Evoquant une «archive atomique» de fichiers prouvant que l’Iran avait toujours poursuivi des objectifs militaires, le premier ministre israélien a longuement discouru sur les dangers de l’accord sur le nucléaire conclu en 2015.

Son discours faisait suite à une manœuvre militaire inédite, quelques heures plus tôt dans la nuit de dimanche à lundi, au cours de laquelle des bases de l’armée syrienne et des Gardiens de la révolution iraniens dans les districts de Hama et d’Alep ont été prises pour cible. L’attaque n’a pas été revendiquée par Israël, mais tout porte à croire que l’Etat hébreu en est responsable.

Depuis 2013, Israël mène sporadiquement et discrètement des opérations en Syrie pour assurer sa sécurité. Des opérations qui ont pris de l’ampleur ces derniers mois: neuf frappes lui sont imputées depuis décembre 2017. Celles de dimanche représentent cependant un tournant. «Israël a fait en sorte cette fois-ci que l’Iran ne puisse plus ignorer qu’il avait été attaqué», relève Joel Parker, spécialiste de l’Iran auprès du Centre d’études du Proche-Orient Moshe Dayan à Tel-Aviv. Il s’agit non seulement de détruire les armes menaçant Israël, mais de briser la discrétion avec laquelle l’Iran installe ses bases militaires en Syrie.

Changement de stratégie

L’objectif a été plus qu’atteint: les frappes ont provoqué un tremblement de terre de magnitude 2,6 sur l’échelle de Richter, ce qui souligne l’ampleur de l’attaque, et celle de la cache d’armes visée. Un autre élément indique un changement dans la stratégie israélienne: le nombre de victimes – près de 40 – alors que l’Etat hébreu «cherchait auparavant à limiter les dégâts», affirme Joel Parker.

Si Israël a choisi, cette fois-ci, de faire savoir qu’une opération militaire d’ampleur a été menée, c’est parce que le temps presse. «Avec l’envoi d’armes russes à la Syrie, les possibilités de mettre en garde l’Iran diminuent dangereusement», affirme Brandon Friedman, du Centre d’études du Proche-Orient Moshe Dayan à Tel-Aviv. Israéliens et Américains font donc le pari de forcer l’Iran, par la confrontation militaire, à limiter ses avancées en direction d’Israël.

Le risque d’une guerre

L’Iran va-t-il partir en guerre contre Israël? C’est le scénario vers lequel on pourrait se diriger si l’accord sur le nucléaire est abrogé. «Ce traité est une des raisons pour lesquelles Téhéran n’a pas encore mené de représailles contre Israël. Les Iraniens ont amélioré leur situation en rétablissant des relations commerciales avec l’Europe et les Etats-Unis. Attaquer l’Etat hébreu aurait mis cet accord en danger», affirme Joel Parker. Il y a en outre peu de chances que l’Iran attaque avant le 6 mai, jour des élections libanaises auxquelles se présente le Hezbollah. «L’Iran n’a pas intérêt à déstabiliser ce processus électoral», estime Brandon Friedman.

Tout pourrait se décider le 12 mai, jour où le président américain Donald Trump annoncera si son pays reste ou non dans l’accord sur le nucléaire iranien. «L’Iran ne bluffe pas. J’espère que Trump fera preuve de bon sens et maintiendra l’accord», affirmait lundi soir le chef de l’Organisation de l’énergie atomique Ali Akbar Salehi. Après la double opération, militaire et de communication, menée entre dimanche et lundi par le gouvernement israélien, rien n’est moins sûr.