A Jérusalem, le triomphe de Netanyahou face à des Palestiniens résignés

Sur la colline qui surplombait la route vers l'ambassade, pro et anti-Trump se sont rassemblés sous les yeux d'une presse très nombreuse.

A Jérusalem comme en Cisjordanie, les rares manifestations d’opposition à l’inauguration de l’ambassade américaine ont été soigneusement contrôlées par la police et l’armée

Contre toute attente et contrairement aux violences à Gaza, lundi a été un jour calme à Jérusalem-Est et en Cisjordanie. En soirée, il n’y avait à déplorer que le tir d’une bombe incendiaire et la crevaison des pneus de 26 voitures, ainsi que des heurts au checkpoint de Kalandia, près de Ramallah, et des manifestations au nord de Bethléem.

Les raisons de cette tranquillité? La triste résignation des Palestiniens et… les capacités armées extraordinaires déployées par les Israéliens pour neutraliser toute opposition. «Que voulez-vous qu’on fasse? Si on bouge, c’est la prison», soupire Nabil, un commerçant de Sur Baher, quartier palestinien voisin de celui de la nouvelle ambassade américaine, joignant les poignets pour mimer des menottes. «Et puis, les événements d’aujourd’hui ne sont qu’un épisode de plus dans la dépossession que nous font subir les Israéliens», affirme-t-il.

Dans le taxi qui mène à la colline du quartier d’Arnona et qui surplombe la route menant à l’ambassade, Firaz ne dit pas autre chose. «Nous sommes fatigués. Nous voudrions juste pouvoir vivre normalement, mais même ce droit fondamental ne nous est pas accordé», dit le chauffeur avec lassitude.

Certes, le Haut Comité arabe de monitoring, un organisme qui vise à coordonner les activités politiques des Arabes israéliens, a organisé une manifestation sur la colline d’Arnona, mais ses espoirs de mobilisation massive ont été douchés par les Israéliens. Seuls cinq des douze bus affrétés ont pu atteindre les lieux, les transports partant de Jérusalem-Est, arrêtés par les autorités de l’Etat hébreu, n’ayant même pas pu quitter la porte de Damas.

«Un jour sombre pour la paix»

Il n’a ensuite fallu que quelques minutes à l’armée et à la police sur les dents pour repousser brutalement derrière des barrières et saisir les pancartes et drapeaux des quelque 150 Arabes israéliens arrivés une demi-heure seulement avant l’inauguration. Pourtant, la démonstration était autorisée, et elle comptait au moins quatre parlementaires de la Knesset. «Nous sommes là pour dire à l’administration Trump que la reconnaissance de Jérusalem est illégale. Les Etats-Unis ne peuvent plus être des négociateurs crédibles. Aujourd’hui est un jour sombre pour la paix», affirme Massud Ganaim de la Liste unifiée, une coalition entre les communistes et trois partis arabes.

Un jour sombre, c’est aussi ce que pensait la cinquantaine de juifs israéliens venus s’opposer à «une décision unilatérale qui porte atteinte aux intérêts nationaux d’Israël. Cela fait trente ans que les responsables de l’armée et des renseignements disent que la solution à deux Etats est le seul moyen d’assurer notre sécurité», assure Brian Reeves, directeur des relations extérieures de l’organisation de gauche La Paix Maintenant. Le jeune homme fustige «ce déménagement et la manière dont il a été mené: unilatéralement, dans une période de tensions extrêmes !»

Autre côté de barrière, autre vision du monde. A quelques mètres de là, les militants pro-Trump se félicitaient d’assister enfin à l’inauguration de l’ambassade. Arrivés en fin de matinée déjà sur la colline, devant de cossus immeubles habités majoritairement par des familles d’origine américaine, ils ont pu pavoiser, soutenus notamment par la visite de VIP tels que l’évangélique américain Mike Evans, fondateur du Musée des amis de Sion à Jérusalem, qui a débarqué d’un bus bleu flashy où l’on pouvait lire: «Trump is a Friend of Zion». Devant les caméras, l’homme, qui exultait derrière sa moustache, a délivré un message à ses fans: «Il s’est écoulé 70 ans entre la destruction du premier et du second temple de Jérusalem, 70 ans entre la reconnaissance d’Israël par les Etats-Unis et celle de Jérusalem comme capitale. La rédemption du monde est proche car la vérité est enfin dite: la Ville sainte appartient aux juifs!»

La «vérité» de Netanyahou

Une «vérité» que le premier ministre Benyamin Netanyahou, devant 800 personnes et les représentants de 32 pays sur 86 invités, a voulu asseoir dans les consciences une fois pour toutes lors de cette soirée qui consacrait son triomphe. «La paix est basée sur les fondations de la vérité. Cette vérité, c’est non seulement le fait que Jérusalem a été la capitale du peuple juif pendant des millénaires et de notre Etat depuis des décennies, mais aussi que tous les traités de paix ne pourront désormais qu’assurer le fait que Jérusalem restera la capitale d’Israël.»