Branle-bas de combat en Israël

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Avant qu’un cessez-le-feu soit conclu en soirée grâce aux négociateurs égyptiens, Tsahal a bombardé plusieurs sites du Hamas lundi après-midi à Gaza en représailles d’un tir de roquette au nord de Tel-Aviv. Dans un camp comme dans l’autre, des calculs politiques se cachent derrière les opérations militaires

Branle-bas de combat lundi en Israël. L’aviation a frappé de nombreux sites appartenant au Hamas dans  Gaza. En Israël, les abris ont été rouverts autour de la bande côtière et à Tel Aviv tandis que l’armée avertissait des milliers de réservistes d’une possible mobilisation dans les prochaines heures, une première depuis des années.

La cause de cette agitation soudaine, c’est une roquette qui lundi matin, a franchi quelques 120 kilomètres depuis Rafah pour atterrir sur le village israélien de Mishmeret à côté de Netanya, blessant sept personnes dont deux enfants. Le projectile n’a pas frappé qu’une maison endormie : il a frappé les esprits.

Ceux des Israéliens, d’abord, à qui le Hamas a voulu rappeler l’épineuse question de Gaza. Le mouvement islamiste n’a toujours rien obtenu d’Israël alors que les négociateurs égyptiens font la navette entre Gaza et Tel-Aviv depuis des semaines. « Vendredi dernier, lors de la marche hebdomadaire du retour, le responsable du bureau politique du Hamas Ismaïl Haniyeh a été clair : le blocus doit prendre fin et si ce n’est pas le cas, ceux qui en sont responsables doivent s’attendre au pire », explique l’analyste politique gazaoui Mouammar Abou Sada. La situation est très incertaine, l’arrangement avec le Qatar qui a permis de faire entrer à Gaza des millions de dollars pour soulager la population se terminant fin avril. « Cette attaque est un avertissement : nous existons, nous souffrons, cela ne peut plus durer », affirme un expert proche du dossier.

Reste à savoir si les armes parviendront à accomplir ce que ne peuvent les négociations, dans un affrontement qui brille par sa complexité. « Tant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou que  le chef du Hamas dans la bande de Gaza Yahya Sinwar ont intérêt à avoir le dernier mot l’un face à l’autre, tout en évitant la guerre. D’où l’alternance de calme et d’attaques auxquelles on assiste », relève Céline Touboul, vice-directrice générale du think tank Fondation de coopération économique. Le problème, c’est que la guerre est un phénomène largement imprévisible, d’autant plus quand ceux qui la mènent excellent au poker menteur. « Ce qui va se passer ? Tout le monde se gratte la tête », réagissait ainsi une source proche du dossier.

Il y a dix jours, deux roquettes sont tombées sur Tel-Aviv à la suite semble-t-il d’une erreur humaine (ce qui a fait rire jaune de nombreux Israéliens) : la centaine de frappes sur Gaza qui a suivi n’a fait aucun mort et seuls deux blessés. Une retenue qui a valu à Netanyahou de nombreuses critiques. Cette fois, il a tout misé sur son rôle de chef de guerre, quittant immédiatement Washington où il aurait dû s’exprimer lors du sommet du prestigieux lobby pro-Israël AIPAC (American Israel Public Affairs Committee Policy Conference). « Bibi » ne s’est cependant pas envolé sans avoir remercié Donald Trump. Ce dernier a en effet signé un décret présidentiel reconnaissant la souveraineté israélienne sur le Plateau du Golan occupé militairement depuis 1967. Une décision qualifiée par le Premier israélien de « justice historique » et qui devrait l’aider à être réélu, une partie de l’électorat de droite israélien espérant depuis longtemps cette reconnaissance.

Plaire à ses concitoyens, voilà qui préoccupe aussi les dirigeants du Hamas face à une population en colère et déçue. On l’a vu il y a une semaine lorsque des centaines de personnes se sont mobilisées contre le coût de la vie et contre leur leadership. « L’image du Hamas a pris un sacré coup lorsqu’on l’a vu réprimer violemment les gens. Pour se rattraper et comme à chaque fois qu’il est sous le feu des critiques, il tente donc de détourner la frustration populaire en provoquant Israël. L’an dernier, avec les Marches du Retour, ça a marché. Pas sûr que ce soit le cas cette fois », affirme le Gazaoui Mouammar Abou Sada.