Un plan de paix marqué par les chrétiens sionistes

Manifestation du mouvement religieux sioniste juif à Jérusalem, mai 2018 (photo: Aline Jaccottet)

Le «deal du siècle» annoncé mardi soir par Donald Trump pour régler le conflit israélo-palestinien est fortement influencé par le militantisme sioniste des évangéliques américains

L’annonce a été triomphale. Flanqué d’un premier ministre israélien radieux, le président américain Donald Trump a enfin dévoilé mardi son plan de paix pour le Proche-Orient. Intitulé «De la paix à la prospérité» et composé de 181 pages et 22 sections, il permet «une lecture claire de la vision des chrétiens sionistes américains pour Israël», affirme André Gagné, professeur associé à l’Université Concordia de Montréal. En l’échange d’un investissement de cinquante milliards de dollars sur dix ans permettant aux Palestiniens de développer le marché de l’emploi et les infrastructures, le texte prévoit en effet des conditions «directement inspirées de la lecture de la Bible à laquelle s’adonnent les évangéliques proches du président Trump», affirme ce spécialiste du fondamentalisme chrétien aux États-Unis.

Comme à l’époque du roi David

D’abord, le plan de paix précise que Jérusalem restera la capitale indivisible d’Israël. Les Palestiniens ne pourront la partager avec les Israéliens mais devront établir la leur à Abou Dis, une banlieue de la Ville Sainte au-delà de la barrière de séparation. «Jérusalem est le lieu par excellence de la présence de Dieu; les textes la présentent comme éternelle et indivisible. Or, pour la droite dure évangélique, les juifs sont le peuple de Dieu au contraire des Palestiniens qui ne tiennent aucune place dans le plan divin. A ce titre, la ville doit être sous leur contrôle exclusif comme à l’époque du roi David», commente André Gagné. C’est ainsi que l’on peut interpréter d’ailleurs le déplacement de l’ambassade américaine à Jérusalem en mai 2018. «Elle avait été fortement encouragée par le vice-président Mike Pence et le secrétaire d’État Mike Pompeo, tous deux chrétiens évangéliques», rappelle l’analyste israélo-américaine Mairav Zonszein.

Réaliser la prophétie par la conquête

Ensuite, le plan de paix de Donald Trump prévoit qu’Israël pourra annexer immédiatement ses colonies établies en Cisjordanie, ainsi que la Vallée du Jourdain, territoire fertile le long de la frontière avec la Jordanie. Quelque 30% des territoires palestiniens reviendront ainsi à l’État hébreu. Rien d’étonnant après que Washington a reconnu la souveraineté israélienne sur le Golan en mars 2019, quelques mois avant de faire de même pour les colonies de Cisjordanie. «La droite chrétienne américaine a soutenu Israël dès le début mais pendant des décennies, ce sont des considérations économiques et géopolitiques qui ont prévalu. Depuis l’élection de Trump, la conquête israélienne des terres bibliques est devenue le cœur de la réalisation de la prophétie annonçant la fin des temps et le retour du Christ sur terre», explique Mairav Zonszein.

Cette croyance tire sa source notamment dans la promesse divine d’une terre à Abraham et à sa descendance, contenue dans la Genèse. «Il existe plusieurs interprétations quant à l’étendue du territoire ainsi consacré. Certains chrétiens et juifs croient qu’il va de la Méditerranée à l’Euphrate, ce fleuve entre la Syrie et l’Irak», précise André Gagné.

La paix de Jérusalem au cœur

Enfin, le texte annoncé mardi par le président américain met un très fort accent sur la démilitarisation totale des Palestiniens afin d’assurer la sécurité d’Israël, que les premiers devront reconnaître comme «État juif» avant de pouvoir établir leur État. «La prière pour la paix d’Israël et de Jérusalem tient une place fondamentale pour les chrétiens sionistes américains», commente le professeur canadien. Ce n’est pas Mike Evans qui le contredira. Ce multimilliardaire américain est l’un des conseillers spirituels évangéliques de Donald Trump. Il a fondé non seulement le Musée des Amis de Sion à Jérusalem, mais aussi un compte Facebook appelé Jerusalem Prayer Team, suivi par 70 millions de personnes. Et il exulte depuis l’annonce du plan de Trump. «Il est tout simplement génial. Les Israéliens auront tout ce dont ils ont toujours rêvé et les Palestiniens, de l’argent et du travail. A condition de reconnaître le plan de Dieu pour les juifs sur cette terre», affirme-t-il, joint par téléphone aux États-Unis.

Dominer la Terre

Si les chrétiens sionistes américains ont pu acquérir une telle influence dans ce plan de paix, c’est qu’ils sont nombreux et «extraordinairement mobilisés», souligne le professeur André Gagné. Ainsi, lorsque Donald Trump a été élu en 2015, le pays comptait 62 millions d’adhérents à cette mouvance sur 323,4 millions d’Américains, et sur ce nombre, 61% ont voté pour lui. D’autre part, un certain nombre suit l’approche dominioniste qui consiste à transformer la société en influençant, voire en contrôlant le gouvernement. Tirant sa source de la Genèse 1 :26-28 qui ordonne à l’homme de dominer la Terre, cet impératif se traduit aujourd’hui aux États-Unis dans le «Projet Blitz» à travers lequel les conservateurs chrétiens essaient de faire passer des lois fidèles à leur idéologie à tous les niveaux de l’État. Frustrés par Obama, Trump leur offre aujourd’hui la possibilité d’avancer sur le chemin de la prophétie qu’ils imaginent pour Israël.