Un « business plan » de paix évangélique pour le Proche-Orient

Mike Evans débarqué en grande pompe sur la colline surplombant la nouvelle ambassade américaine, mai 2018. Photo: Aline Jaccottet pour Le Temps
Conseiller spirituel de Donald Trump, l’évangéliste Mike Evans défend depuis de longues années la vision sioniste évangélique du conflit israélo-palestinien. Il voit aujourd’hui derrière le plan américain pour le Proche-Orient la main de Dieu. Interview d’un acteur de l’ombre aussi influent que controversé
Lors de notre première rencontre, Mike Evans exultait. C’était en mai 2018 et, sur la colline surplombant la nouvelle ambassade américaine à Jérusalem, ce conseiller informel de Donald Trump pour Israël affirmait voir une prophétie s’accomplir. Fondateur d’une organisation appelée Jerusalem Prayer Team qui compte près de 70 millions d’abonnés sur Facebook, l’évangéliste avait financé en mai 2017 une campagne d’affichage à Jérusalem enjoignant à Trump de «rendre sa grandeur à Israël».
Désormais, Mike Evans a une autre raison de se réjouir. En accordant le contrôle de Jérusalem à Israël et en encourageant son annexion de la Cisjordanie, le plan de paix exprime la vision sioniste évangélique à laquelle il adhère. «Je crois profondément en la parole biblique affirmant que quiconque bénit Israël est béni de Dieu», affirme-t-il. Cette bénédiction se traduit par un plan compensant les Palestiniens de la perte de Jérusalem et d’un Etat autonome par une pluie de dollars. Réponse de l’Autorité palestinienne: Mahmoud Abbas a annoncé rompre tout lien avec Israël et les Etats-Unis, soutenu par la Ligue arabe qui rejette le plan de Washington.
Le Temps: Comment pouvez-vous parler de plan de paix en l’absence des dirigeants palestiniens?
Mike Evans: Si aucun de leurs représentants ne s’est déplacé alors qu’on offre aux Palestiniens un Etat, une capitale et 50 milliards de dollars, c’est parce que ces dirigeants savent qu’avec le projet de Donald Trump l’argent leur passe sous le nez. Pour des gens corrompus comme eux, c’est insupportable.
En matière de corruption, on ne peut pas dire que les dirigeants israéliens soient exemplaires. Le premier ministre a été mis en accusation dans trois affaires…
(Rires) Vous ne trouvez pas que c’est dérisoire au regard de tout ce que Benyamin Netanyahou a accompli pour son pays? Et, contrairement aux Palestiniens, les Israéliens vivent en démocratie – et en démocratie, on doit pouvoir assurer une immunité aux dirigeants pour qu’ils assument leur mandat. C’est ce que j’espère, pour lui et pour la réalisation de ce super projet de Donald Trump.
Qu’est-ce qui vous rend si enthousiaste au sujet de ce plan?
Contrairement aux dix mille résolutions des Nations unies et de tout le bla-bla autour du droit international que l’on entend depuis des années, il est réaliste. Il intègre les faits accomplis et il a les moyens de réaliser la vision qu’il propose. C’est un bon plan parce que c’est un plan d’affaires (business plan) pour conclure la paix.
Qu’entendez-vous exactement par le mot «paix»?
J’entends la sécurité pour les Israéliens et la prospérité pour les Palestiniens. Au fond, c’est une question d’argent. C’est grâce à la manne des Etats sunnites du Golfe que le leadership palestinien finançait sa campagne de terreur et d’antisémitisme. La bonne nouvelle, c’est qu’ils ne sont plus d’accord de jouer les vaches à lait. Cela nous permet de financer les projets palestiniens en contrôlant où va l’argent. Les Israéliens sont assurés que pas un dollar ne les mettra en danger. Quant aux Palestiniens, on va leur donner le travail et les infrastructures auxquelles ils ont droit. Un avenir, en somme.
Vous parlez d’argent, mais ce conflit est aussi une affaire de symboles et, pour les Palestiniens, il est inacceptable que Jérusalem même ne puisse pas être la capitale de leur futur Etat.
D’abord, c’est La Mecque, et non Jérusalem, qui est le centre du monde pour les musulmans. Ensuite, cet endroit appartient aux juifs depuis des milliers d’années, et ils offrent aux musulmans un accès tout à fait excellent à leurs lieux de culte, grâce à la politique de statu quo que le plan entend maintenir. Enfin, faire de Jérusalem la capitale des Palestiniens représenterait un risque sécuritaire majeur pour les Israéliens.
Comment imaginez-vous la création d’un Etat, alors que la reconnaissance de la souveraineté israélienne sur les colonies de Cisjordanie ne laisse que des miettes de territoire aux Palestiniens?
Israël est la terre de la Bible. C’est le foyer antique des juifs, que Dieu a donné à Abraham et à sa descendance. Nous, les évangéliques, nous ne croyons pas une seconde que rendre ces terres aux Palestiniens amènera la paix. Nous croyons en revanche que ce plan de Donald Trump leur offre l’opportunité unique d’envisager un autre avenir. Les jeunes sont bien plus ouverts que la génération qui les précède et je suis sûr qu’ils sauront en profiter. Dieu aime aussi les Palestiniens!