Derrière la dissolution du parlement, l’implosion d’un pays

Drapeau d'Israël. Photo Istock

La décision prise mercredi de dissoudre le parlement devrait précipiter les Israéliens vers une quatrième élection. Elle se profile au pire moment de l’histoire de leur démocratie

Tout le monde s’y attendait, personne ne s’en réjouit. Entre mars et juin – la date n’est pas encore définie –, Israël va très certainement devoir revoter. Les dés ont été jetés mercredi en milieu d’après-midi, lorsque la majorité des élus a choisi de dissoudre le parlement. Ce premier pas – le système politique israélien prévoit trois votes au total – mènerait la population aux urnes pour la quatrième fois depuis avril 2019.

Ce marathon électoral, les Israéliens le doivent à l’impossible partage du pouvoir entre deux hommes qui se détestent: le premier ministre, Benyamin Netanyahou (Likoud), et son premier ministre par alternance et ministre de la Défense, Benny Gantz (Bleu Blanc). Le 2 mars 2020, après avoir remporté respectivement 36 et 33 voix sur 120, les rivaux se sont retrouvés obligés de s’acoquiner faute de partenaire assez fort pour obtenir une coalition de 61 sièges, comme le prévoit le système parlementaire.

Troisième confinement en vue

Un mariage malheureux pour un divorce qui prendrait le pays en otage au pire moment, selon le directeur de l’Institut d’Israël pour la démocratie, Yohanan Plesner. «Entamer un processus électoral maintenant va pousser la paralysie politique à son paroxysme alors que nous aurions besoin d’un gouvernement efficace face au coronavirus», affirme-t-il. D’ici à quelques jours, quelques semaines maximum, Israël va connaître un troisième confinement général face à l’augmentation des cas. Ce qui n’empêchera pas l’explosion du nombre de malades, prédit Yohanan Plesner. «Lors du deuxième confinement, plus d’un Israélien sur deux était convaincu qu’il s’agissait d’une manœuvre politique, ce qui explique le peu d’empressement à se plier aux règles sanitaires. L’ouverture de la course électorale anéantirait toute confiance envers les institutions», redoute-t-il. Sans compter que «les autorités n’auraient plus envie de travailler, otages de la guerre que se mènent deux hommes pour le pouvoir».

La crise politique désarme Israël face au coronavirus pour une autre raison: le budget actuel de l’Etat a été élaboré en… 2017. «Le financement annuel israélien est décidé sur la base de l’année qui précède. A cause des blocages entre partis, il n’a plus été voté depuis 2018», explique Yohanan Plesner. La coalition actuelle formée par Benny et «Bibi» n’a même pas pu se mettre d’accord sur un an de budget, et la conséquence est dramatique. «Les besoins de la population face à la crise ne sont pas satisfaits, les infrastructures ne suivent pas et personne ne fixe correctement les priorités. Je ne parle même pas de l’impact sur la dette nationale ou de la préparation de la phase post-coronavirus», déplore le directeur de l’Institut d’Israël pour la démocratie. Pas étonnant que la cohésion nationale «s’effondre», comme il l’affirme. «De toute l’histoire d’Israël, c’est du jamais-vu.»

Une débandade favorable à «Bibi»

Un sombre tableau qui n’empêcherait pas forcément Benyamin Netanyahou de l’emporter l’an prochain, pronostique Gayil Talshir, spécialiste de politique israélienne à l’Université hébraïque de Jérusalem. «Les électeurs de Benny Gantz ont perdu confiance en lui suite à son alliance malheureuse avec Netanyahou, les Arabes israéliens sont nettement moins motivés à l’idée de voter qu’au mois de mars et le centre gauche s’effondre», détaille-t-elle. Une débandade qui servirait le premier ministre, à condition que les élections se tiennent le plus tard possible en 2021. «L’arrivée des vaccins contre le coronavirus aura fait grimper sa cote et les premières audiences de son procès prévu en février seront passées», explique Yohanan Plesner. Reste à savoir de quel pays exsangue l’indétrônable Bibi se ferait alors le premier ministre.