Face au coronavirus, elles ont choisi l’espoir

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Elles œuvrent chacune à leur manière pour améliorer la société dans laquelle elles vivent. Dans un Israël fortement touché par la pandémie, Valentina, Khadra, Natalie, Samah et Evi racontent ce qui les a aidées à tenir le coup cette année, malgré des mesures sanitaires draconiennes.

Sœur Valentina Sala, le courage

Elle a fait de la maternité Saint-Joseph, à Jérusalem-Est, un endroit unique au Proche-Orient. C’est le seul hôpital palestinien qui accueille des Israéliens juifs, une patientèle qui préfère d’habitude les établissements israéliens. Mais la rayonnante Valentina, également sage-femme, a fait de l’accouchement naturel la priorité de ses équipes. Avec l’espoir qu’une venue au monde sans violence contribue à un avenir de paix.

«Mes contacts avec les infirmières de Bergame m’ont fait rapidement comprendre à quel point la situation était dramatique, mais aussi combien le courage ferait la différence. J’avais en tête ce passage du texte de l’Apocalypse dans lequel le Seigneur, en un moment extrêmement angoissant, appelle l’humanité à porter le regard vers le haut. Un jour que je priais dans notre chapelle, j’ai senti que tout basculait; le seul point fixe auquel me rattacher, c’était Dieu.

Tout est instable et c’est la première fois que je suis confrontée à l’éventualité de la mort. Mais c’est la première fois, aussi, que je ressens la puissance du courage. Ma vocation, c’est de soigner. Je ne peux pas baisser les bras, me perdre dans l’incertitude. Je ne peux que rester dans l’espérance. C’est cela, mon espoir pour l’humanité: qu’elle espère elle aussi, au-delà des contingences et des drames qu’entraîne cette pandémie. En se tournant vers le vrai, vers ce qui reste malgré tout: le lien à Dieu.»

Khadra El Sana, la ténacité

Elle a une fille médecin, un fils qui veut devenir berger. La cinquantaine combative, Khadra El Sana est une Bédouine du désert du Néguev et allie tradition et modernité grâce à l’association dont elle est la directrice, Sidreh. En vendant les travaux de tissage confectionnés par des dizaines de Bédouines, elle fait vivre les familles et contribue à l’émancipation féminine dans sa communauté.

«Certes, l’année a été dure. Mais comme nous vivons dans un endroit conflictuel, nous savons affronter les problèmes. Quand le coronavirus est arrivé, les Bédouines qui vivent dans des villages non reconnus par l’État d’Israël n’ont reçu aucune aide. Il a fallu tout organiser. Traduire les informations en arabe, les faire circuler par SMS pour celles qui n’ont ni télévision ni internet, former des volontaires pour utiliser les applications smartphone nécessaires… Nous leur avons aussi permis de créer des jardins potagers et nous avons organisé la distribution de masques et de gel hydroalcoolique. Notre charge de travail a doublé, mais nous avons créé des solutions qui vont faciliter la vie de la communauté pour l’avenir, surtout pour celles qui vivent dans des zones éloignées. Nous, les femmes, sommes fortes et créatives. Je n’ai pas peur.»

Natalie Marcus, la solidarité

Née de parents bernois, l’Israélienne Natalie Marcus est la coscénariste, avec Asaf Beiser, de The Jews Are Coming, une série satirique créée en 2014. De la Bible à la Shoah, du sionisme à l’antisémitisme, elle y tourne en dérision les fondements de l’identité juive et israélienne. Et avec plus de 18 millions de vues sur YouTube et des fans jusqu’en Iran, The Jews Are Coming fait un carton planétaire.

«Dans un environnement très anxiogène, prendre conscience que les gens sont là les uns pour les autres m’apporte beaucoup de réconfort. J’entends parler chaque jour de nouvelles initiatives solidaires. Dans mon quartier du nord de Tel-Aviv, par exemple, les enfants préparent des gâteaux et les amènent aux personnes âgées chaque vendredi. C’est très encourageant, surtout de la part de la jeune génération, qui va devoir trouver des moyens de s’en tirer dans le monde qu’on lui laisse. J’en suis convaincue, ce qui est bon et beau en l’humain sera toujours plus fort que le mauvais.

Cette année, j’ai aussi compris que rester en mouvement, même si ce mouvement n’est qu’intérieur, c’est rester vivant. Continuer à écrire, créer, travailler, cela a été mon oxygène. Je m’accroche aussi à l’idée que cette crise accélère des changements nécessaires. Tôt ou tard, nous récolterons les fruits de cette période difficile, et ce seront de beaux fruits.»

Evi Guggenheim-Shbeta, l’unité

Evi Guggenheim-Shbeta figure parmi les fondateurs du célèbre village binational Wahat al Salam-Neve Shalom. Fondé dans les années 1960, il a été la cible, en septembre dernier, d’incendies criminels. Mais rien ne décourage cette Zurichoise d’origine, mariée à un Palestinien, et qui a fait de la coexistence entre Israéliens et Palestiniens la mission de sa vie.

«Je milite à différents niveaux depuis des années, et ce que nous traversons me fait ressentir davantage encore la puissance du travail collectif. Ensemble, nous sommes forts. Cette réalité, je la vis naturellement en tant qu’habitante d’un village binational, mais j’espère qu’elle se fera sentir clairement pour le reste de la société israélienne. Et que les Arabes, si présents dans les équipes médicales qui ont sauvé des vies, seront enfin reconnus comme des égaux. Sains ou malades, nous sommes tous semblables!

Une fois que nous nous habituerons à la nouvelle routine imposée par le coronavirus, tout ira mieux. Nous réinventerons des manières d’être et de faire qui nous permettront de trouver un nouvel équilibre, j’en suis certaine.»

Samah Salaime, la créativité

Connue pour son engagement pour les femmes arabes d’Israël, Samah Salaime dirige l’association «Femmes au Centre», qui cherche à protéger les victimes de violences liées au genre. Figure incontournable du mouvement #MeToo dans le pays, cette travailleuse sociale, éditorialiste et conférencière habite le village israélo-palestinien Wahat al Salam-Neve Shalom, dont elle s’occupe de la communication.

«Cette crise a offert des occasions de collaboration incroyables. Il y a eu tellement de rendez-vous virtuels, cela a ouvert un champ de possibles inédit. Le confinement a poussé la collaboration dans des directions que je n’aurais pas imaginées. Pour la première fois, il a été possible d’organiser une campagne de trois semaines incluant la participation d’organisations de Ramallah et de Gaza, ce qui était impensable auparavant. Nous avons créé une coalition de 21 organisations pour la défense des droits des femmes et collaboré avec le bureau du Premier ministre. Et organisé des manifestations en ligne qui ont réuni 100 000 participants sur Facebook, alors qu’il n’y en aurait eu qu’une centaine en présentiel. On a beaucoup appris sur nous-mêmes. L’humanité va résister, parce que nous voulons tous vivre et vivre bien, et que la vie est plus forte que les virus.»

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