Les ultra-orthodoxes, talon d’Achille de la vaccination

Photo: Istock

Le succès de la campagne de vaccination est éclipsé en Israël par le refus des ultra-orthodoxes, alliés du Premier ministre, de respecter les règles sanitaires

Vingt mille chapeaux noirs serrés les uns contre les autres. C’est le spectacle hallucinant qu’ont offert dimanche les juifs ultra-orthodoxes de Jérusalem, quelques heures à peine avant la prolongation pour une semaine d’un confinement strict imposé depuis le 25 décembre. Cette foule immense rassemblée pour pleurer le décès du rabbin Soloveitchik, elle est le symbole même de l’échec du Premier ministre Benjamin Netanyahou. Lui qui avait misé sur une campagne de vaccination éclair pour triompher lors des élections législatives du 23 mars voit l’Israël de la tech perdre du terrain face à l’Israël des rabbins. Le refus assumé de la majorité des juifs ultra-orthodoxes de fermer maisons d’études et synagogues, en recourant parfois à la violence face à la police, est en effet en passe d’éclipser le bilan vaccinal sur lequel « Bibi » compte pour sa réélection.

Il aurait de quoi faire pâlir la Suisse avec plus de 3,1 millions de personnes vaccinées soit un tiers de la population, dont 80% âgées de plus de soixante ans. Pourtant, plus de 1400 personnes sont mortes du coronavirus en janvier, le pays compte aujourd’hui près de 5000 nouveaux cas par jour et les hôpitaux sont saturés au point de vouloir refuser toute urgence non-vitale. Une situation qui s’explique, certes, par un relâchement général. Israël détient le record du monde du nombre de jours en confinement et les gens en ont marre. Ceux qui ont obtenu leur première dose de vaccin éprouvent un sentiment trompeur de sécurité : il faut attendre douze jours après avoir reçu les deux injections pour être protégé.

Mais la manière assumée dont les ultra-orthodoxes défient les règles sanitaires, alors que 40% des malades sont issus de cette communauté, exaspère le reste des Israéliens. Et pourrait mettre fin, à terme, à l’existence de cet « Etat dans l’Etat » ancré par l’arrivée au pouvoir du Likoud en 1977, qui avait fait des ultra-orthodoxes les acteurs incontournables de la formation du gouvernement. Aujourd’hui, la menace qu’il fait planer sur la réélection de Netanyahou est aussi la leçon d’Israël au reste du monde : face à une crise de l’ampleur du coronavirus, ni la vaccination, ni la coercition ne peuvent masquer les défaillances d’une nation désunie.