Des élections palestiniennes verrouillées

OORamallah, Palestine, May 4, 2019: The people walk through the Al-Manara Square in the center of the city. On the big poster the President of the Palestinian Authority, Mahmoud Abbas, is pictured.

Pour la première fois en quinze ans, les Palestiniens éliront leur parlement et leur président d’ici à l’été. Mais l’enjeu du scrutin, plaire à la nouvelle administration américaine, limite d’avance les surprises.

Pour les 2,8 millions de Palestiniens en âge de voter, l’heure de glisser un scrutin dans les urnes semble avoir enfin sonné. Mardi, leurs représentants réunis au Caire ont approuvé le plan du président Abbas d’organiser un scrutin en Cisjordanie, à Gaza et à Jérusalem-Est. Il s’agira de choisir le Conseil législatif (22 mai), le président (31 juillet) et le Conseil national de l’Organisation de libération de la Palestine (OLP) qui représente cette population dans les territoires occupés par Israël et à l’étranger. C’est une grande nouvelle pour les Palestiniens privés d’élections depuis le conflit meurtrier qui a éclaté en 2006 entre les islamistes du Hamas et le Fatah de Yasser Arafat quant au résultat du scrutin législatif. Depuis, le Fatah contrôle la Cisjordanie et Jérusalem-Est et le Hamas, Gaza, une fracture qui affaiblit encore la cause palestinienne.

Si elle est remarquable, on aurait tort pourtant de voir dans cette annonce d’élections un retour véritable à la démocratie. « Les enjeux sont bien trop importants pour que le Hamas et le Fatah prennent le risque de laisser les Palestiniens décider librement », relève une source qui préfère rester anonyme. Poussé par le grand âge du président palestinien – 85 ans – et par le départ du détesté Donald Trump de la Maison Blanche, le Fatah poursuit aujourd’hui deux objectifs : consolider la légitimité de l’héritage de Mahmoud Abbas et plaire au démocrate Joe Biden. « Le nouveau président américain verra d’un très bon œil la tenue d’élections. Elles redoreront le blason de l’Autorité palestinienne avant des négociations avec Israël ». Quant au Hamas, « il cherche à garder son contrôle sur Gaza et à renforcer sa stature en consolidant sa représentation au sein de l’Organisation de libération de la Palestine », affirme cet expert proche du dossier.

Tout en laissant s’exprimer les électeurs, il s’agit donc d’établir des garde-fous solides afin que le Fatah gagne les élections et que le Hamas obtienne la contrepartie qu’il désire. « C’est l’objet de l’accord scellé mardi », relève l’analyste. Officiellement, les factions se sont entendues sur un mécanisme garantissant le bon déroulé des élections. Mais en coulisses, « le Fatah s’est assuré d’avance le contrôle total des tribunaux chargés de la surveillance du processus ».

A ce verrouillage interne s’ajoutent la pression d’Israël à Jérusalem-Est, celles de l’Iran, de la Turquie, du Qatar et de l’Egypte, sans compter qu’il n’est pas garanti que les autres partis voudront respecter les résultats. On l’aura compris, ces élections qui visent davantage à consolider les positions face à Biden qu’à rebattre les cartes sont fragiles. S’il se sent menacé, le président Abbas peut à tout moment annuler le scrutin en prétextant qu’Israël en rend la tenue à Jérusalem-Est impossible. La perspective déprimerait un peu plus une population qui espère malgré tout que « pour la première fois depuis 2006, quelque chose change en Palestine », selon les mots du négociateur indépendant Mustafa Barghouti.