Distribution de vaccins, l’inégale générosité de Netanyahou

Des travailleurs palestiniens entrant en Israël. Photo: IStock

Alors que les Palestiniens reconfinés voient le vaccin anti-coronavirus arriver au compte-gouttes, Benjamin Netanyahou a cherché à distribuer des centaines de doses Moderna aux alliés nouveaux ou potentiels d’Israël.

Salles de classe désertées, routes bouclées, couvre-feu nocturne : dès lundi, la Cisjordanie se barricade au moins douze jours face au coronavirus. Alors que les autorités médicales estiment à plus d’un million le nombre de Palestiniens infectés, le gouvernement israélien rechigne à immuniser les habitants des territoires occupés comme l’y oblige pourtant la quatrième Convention de Genève : Israël estime que cette responsabilité est celle de l’Autorité palestinienne. Résultat : jusqu’à présent, moins de 10’000 doses ont été transmises aux Palestiniens par Israël Certes, la situation évolue quelque peu : Israël vient d’annoncer que les quelques 100’000 travailleurs palestiniens entrant chaque jour sur sol israélien seraient bientôt inoculés et Ramallah a annoncé dimanche l’acquisition de vaccins pour 10 millions de dollars. Mais le résultat est insignifiant face aux plus de 8 millions de piqûres administrées côté israélien ce qui fait de l’Etat hébreu le champion mondial de la vaccination. Désormais, plus de la moitié de ses habitants sont partiellement immunisés et un tiers l’est complètement.

Netanyahou stoppé dans son élan

Une avance confortable sur laquelle Benjamin Netanyahou a voulu tabler pour transformer le vaccin en levier diplomatique la semaine dernière. Le Premier ministre s’est vanté mercredi devant la presse d’avoir décidé « personnellement » de partager un nombre symbolique de doses – de 1000 à 5000 selon les sources – avec les pays qu’il souhaitait récompenser ou encourager à se rapprocher d’Israël. La Mauritanie avec qui l’Etat hébreu n’a pas de relation diplomatique, le Honduras qui a déplacé son ambassade à Jérusalem mais aussi la République tchèque, la Hongrie ou le Guatemala font partie des heureux élus d’une liste qui compte une vingtaine de noms selon la radio de l’armée israélienne. Un geste normal pour Uzi Rabi, directeur du centre d’études stratégiques Moshe Dayan à Tel Aviv. « La menace globale fait apparaître un nouveau monde, où l’on travaille tous ensemble. Cet envoi de vaccin est dans l’esprit des Accords d’Abraham avec les pays du Golfe : il faut repartir d’un autre pied », affirme-t-il.

Ce n’est pas tout à fait l’avis du procureur général de l’Etat d’Israël Avichaï Mendelblit. Il a stoppé net l’initiative de Netanyahou jeudi, jugeant douteux de distribuer les excédents de doses de vaccins acquises avec l’argent des contribuables sans l’approbation du ministère de la défense ou du cabinet de sécurité que le Premier ministre avait tenus à l’écart. « A quelques semaines des élections du 23 mars, Benjamin Netanyahou se comporte comme si le vaccin lui appartenait », dénonce Yonatan Gher, directeur exécutif de Combattants for Peace. Ce mouvement israélo-palestinien pour l’égalité des droits a envoyé plusieurs courriers à Pfizer et Moderna pour protester contre la manière dont il discrimine les Palestiniens. Et « l’implication de Moderna dans la manière dont l’Etat d’Israël gère ses affaires étrangères est une ligne qu’aucune autre compagnie pharmaceutique n’a été prête à franchir », affirme Sulaiman Khatib, le directeur exécutif palestinien du mouvement.

Un seul bloc épidémiologique

Le vaccin anti-covid pèse aujourd’hui lourd dans les négociations. On l’a vu en février lorsqu’Israël et la Syrie ont parlementé par l’intermédiaire de la Russie pour libérer une jeune Israélienne qui avait traversé la frontière avec la Syrie par erreur : l’Etat hébreu a dû acheter 1,2 millions de doses du vaccin Spoutnik aux Russes pour le régime de Damas afin d’assurer le « deal ». « Un Israélien doit-il se perdre dans Gaza pour que Netanyahou accepte enfin de vacciner les Palestiniens ? », s’interrogeait la semaine dernière le parlementaire arabe israélien Ahmed Tibi. Au vu de la proximité entre les populations dans cette région qui ne forme qu’un seul bloc épidémiologique, il est pourtant dans l’intérêt même d’Israël de vacciner les Palestiniens, sans lesquels on voit mal comment Netanyahou parviendra à l’immunité de masse à laquelle il aspire pour crier victoire.