L’aide américaine redonne un souffle à Gaza

La bande de Gaza est l'endroit au monde le plus densément peuplé. Photo: IStock

Les Etats-Unis ont annoncé mercredi le versement de 235 millions de dollars pour aider les Palestiniens. Ce virage à 180 degrés après le désistement de l’administration Trump est particulièrement important pour les Gazaouis, coupés du monde depuis plus d’une décennie

Les Palestiniens de Gaza sont désormais enfermés à double tour. Eux qui étaient déjà sous blocus depuis 2007 sont confinés depuis mercredi en raison d’un pic de contaminations au coronavirus. Le tableau qu’offre la bande côtière est sombre: près de 40% de tests positifs, des infrastructures hospitalières dans un état désastreux, une surpopulation et une misère endémiques.

Dans ce contexte, l’annonce le même jour des 150 millions de dollars donnés par les Etats-Unis à l’UNRWA, l’Agence des Nations unies pour les réfugiés palestiniens, tombe à point nommé. «Cela donne un peu d’espoir aux gens, on se dit que l’aide finira par arriver», affirme un habitant de Gaza.

«L’assistance au peuple palestinien sert des intérêts et des valeurs qui nous sont chers.» Ces paroles du secrétaire d’Etat Antony Blinken, immédiatement critiquées par les autorités israéliennes, tranchent avec les années de l’administration Trump. Le président républicain, proche des conservateurs évangéliques pro-Israël, avait coupé en 2018 les 360 millions de dollars d’aide américaine à l’UNRWA, la privant ainsi de son plus gros donateur. Depuis, l’administration Biden a fait volte-face, se rapprochant des Palestiniens par des gestes d’ordre essentiellement financier.

Outre l’argent pour l’UNRWA, qui secourt plus de 5 millions de réfugiés au Proche-Orient, Washington a aussi annoncé 75 millions de dollars pour l’économie et le développement en Cisjordanie et à Gaza. Jeudi, cette somme a néanmoins été gelée par l’intervention de deux parlementaires républicains, rendant incertain son déblocage prévu samedi. Dix autres millions sont destinés à des programmes d’établissement de la paix. Le mois dernier, 15 millions ont été distribués pour aider les Palestiniens à faire face au coronavirus.

Pas d’initiative diplomatique

Si le président Biden a l’intention de rouvrir les missions diplomatiques palestiniennes, il n’est pas question, en revanche, de ramener l’ambassade américaine de Jérusalem à Tel-Aviv. «Joe Biden veut remettre les relations en état mais n’a pas pour objectif de s’investir autant que Donald Trump dans la résolution du conflit israélo-palestinien», estime l’analyste israélien Ehud Yaari, spécialiste des relations avec le monde arabe. Qui esquisse une hypothèse au calendrier de ce rapprochement. «Les élections législatives palestiniennes auront lieu dans un peu plus d’un mois, le 22 mai, et tout le monde sait que le Fatah les perdrait si la population s’exprimait librement. Les Américains pourront davantage influencer le processus et le résultat en se présentant comme des amis qui viennent de faire un geste», affirme-t-il.

A l’intérieur de l’UNRWA, certains espèrent que le changement de ton des Américains augure du retour de certains donateurs ou de leur fidélisation. Tous les yeux seront désormais rivés sur les pays du Golfe, dont la contribution est instable depuis 2020 «et qui pourraient être influencés par cette décision», estime une source diplomatique.

Mais il y a aussi la Suisse. Berne ne finance plus l’UNRWA sur une base quadriennale mais d’une année à l’autre. Elle avait gelé son apport notamment sous l’influence du chef du Département fédéral des affaires étrangères, Ignazio Cassis, qui avait estimé que l’agence faisait «partie du problème» dans le conflit israélo-palestinien. L’UNRWA avait aussi été agitée par la démission en novembre 2019 du Suisse Pierre Krähenbühl.

«Emplâtre sur une jambe de bois»

La reprise du financement par l’administration Biden marquera peut-être un tournant bienvenu pour l’agence, à défaut de «vouloir s’attaquer aux causes profondes des problèmes des Palestiniens», estime un expert qui ne cache pas son agacement: «La reprise du financement de l’UNRWA, c’est un emplâtre sur une jambe de bois. Le président américain se sert de ces dons comme d’une gomme pour effacer quatre ans de relations désastreuses, et ce n’est pas si simple.»

Le retour de l’aide américaine redonnera cependant un peu d’espoir à ceux des 2,1 millions de Gazaouis qui dépendent de l’aide alimentaire, des services de santé et des écoles de l’agence onusienne. Une éclaircie alors que le mois de ramadan, qui commence le 12 avril dans le monde arabe, s’annonce particulièrement difficile.