Un missile syrien s’écrase près de la centrale nucléaire israélienne de Dimona

Des missiles prêts à être tirés. Photo: IStock

L’incident n’a fait ni dégât ni victime mais témoigne d’une faille dans le dispositif de sécurité israélien. Les adversaires de Benyamin Netanyahou s’en sont aussitôt emparés

On l’a entendu résonner jusqu’à Jérusalem et tout Israël tremble à l’idée de ce qui aurait pu se produire. Dans la nuit de mercredi à jeudi, un missile sol-air syrien s’est écrasé dans le désert du sud d’Israël, tout près de la centrale nucléaire de Dimona. Officiellement Centre de recherche nucléaire Shimon Peres du Néguev, elle est le secret de Polichinelle le plus célèbre du Proche-Orient. Le refus de l’Etat hébreu de confirmer qu’il dispose de la bombe ne trompe personne, surtout pas ses ennemis. «Israël agrandit Dimona, la seule usine de fabrication de bombes nucléaires de la région», avait ainsi déploré début 2021 le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif, commentant les importants travaux de construction réalisés sur le site par Israël.

En s’écrasant dans le Néguev, le missile n’a provoqué ni dégât ni victime, mais une avalanche de questions. Destiné, semble-t-il, à frapper l’aviation israélienne qui menait durant la nuit des missions de bombardements en Syrie, l’engin se serait échoué en territoire désertique après avoir manqué sa cible et passé au travers des mailles du filet des intercepteurs israéliens. Son atterrissage près de la centrale de Dimona est à première vue un hasard, les experts militaires relevant que les Syriens auraient pu utiliser des armes bien plus importantes comme des missiles Scud s’ils avaient eu l’intention de toucher l’installation.

Tensions avec Téhéran

Mais cet incident, auquel les Israéliens ont riposté en menant un raid aérien sur la Syrie qui a blessé quatre soldats, survient dans un contexte très tendu. Le journal iranien Kayhan, porte-voix des durs du régime, a publié samedi un article incitant à viser la centrale de Dimona après l’attaque israélienne de Natanz dix jours plus tôt. Depuis, les défenses aériennes dans la région de Dimona et du port d’Eilat en mer Rouge ont été renforcées. «L’engin qui a atterri en Israël pourrait être un missile sol-sol qui n’a pas été tiré au hasard. L’enquête déterminera ce qu’il en est», affirme l’expert militaire israélien Stéphane Cohen. Des questions se posent aussi sur la qualité de la défense aérienne israélienne, même s’il est «difficile de suivre la trajectoire d’un missile antiaérien égaré lors d’une descente involontaire», relève Stéphane Cohen.

Cet incident n’est pas une première. En 2017 et 2019, trois missiles du même type avaient atterri sur l’île de Chypre et en Israël. Mais il a donné du grain à moudre aux adversaires du premier ministre israélien. «Netanyahou dort au volant parce qu’il est occupé avec ses affaires personnelles», s’est indigné jeudi matin Avigdor Lieberman, chef du parti politique de droite Israel Beitenou («Israël est notre foyer»). Taclant un gouvernement «qui ne fonctionne pas, dont le pouvoir de dissuasion est nul», il a appelé le parlement à «mettre fin à la paralysie».

Blocage politique

C’est que la situation politique stagne, dix-sept jours après que le président Rivlin a chargé à contrecœur Benyamin Netanyahou de former une coalition. Pour ce dernier, la semaine a été particulièrement mauvaise. Lundi, son bloc de droite a perdu le contrôle d’une instance clé: la commission chargée, en l’absence de gouvernement, des projets de loi présentés au parlement pour un vote. Mardi, Netanyahou appelait à l’organisation d’un référendum pour élire le prochain premier ministre, une initiative rejetée par la plupart des partis alors qu’il est incapable de convaincre l’extrême droite du Parti religieux sioniste de siéger aux côtés des islamistes du parti Raam afin d’obtenir 61 sièges sur 120 dont il a besoin.

Et mercredi, son adversaire de droite Naftali Bennett a annoncé être prêt à former un gouvernement si Netanyahou échouait dans cette mission d’ici au 4 mai. «Ambition incontrôlable de devenir premier ministre», un «crachat au visage de la démocratie»: le septuagénaire «Bibi», en plein procès pour corruption, abus de pouvoir et fraude, a multiplié les invectives contre son adversaire dans un discours que ses compatriotes ne sont pas près d’oublier.