Nuits de violences à Jérusalem-Est

Photo: IStock

De affrontements entre Israéliens et Palestiniens ont eu lieu tout le week-end près de la porte de Damas et dans le quartier de Sheikh Jarrah laissant craindre une montée de tensions incontrôlable

La mèche est allumée, bien malin qui saura l’éteindre. Depuis Jérusalem la poudrière, la colère des Palestiniens détonne. La carte et la nature des heurts ainsi que le nombre de personnes touchées ce week-end disent un pays qui pourrait basculer. Plus de 200 Palestiniens et 17 officiers de police israéliens blessés entre vendredi et samedi. Des dizaines d’arrestations. Des interventions israéliennes à coups de grenades assourdissantes, de gaz lacrymogène, de balles en caoutchouc face à des tirs de pierres et de cocktails molotov. La mobilisation, partie de Jérusalem-Est, a gagné Gaza – 450 manifestants dimanche et un tir de roquettes –, la Cisjordanie où l’armée israélienne a envoyé dimanche trois bataillons supplémentaires, mais aussi, c’est exceptionnel, les villes arabes israéliennes. Quelques 250 habitants d’Oumm Al Fahm se sont ainsi déplacés vendredi à Jérusalem pour manifester avec les résidents musulmans et chrétiens de la Ville Sainte.

Cette rare union a plusieurs causes. Il y a d’abord l’avancée de la colonisation israélienne à Jérusalem-Est, phénomène qui a connu un pic avec la perspective à moyen terme de l’expulsion de quelques 70 familles palestiniennes du quartier de Sheikh Jarrah. Dans l’immédiat, quatre d’entre elles devaient quitter les lieux revendiqués par les juifs mais le procureur général de l’Etat d’Israël Avichaï Mendelblit a annoncé dimanche l’ajournement de l’audience prévue lundi devant la Cour suprême. Les familles concernées restent donc pour l’instant dans leurs foyers.

Et puis, les Palestiniens de Jérusalem, de Cisjordanie et citoyens d’Israël se rejoignent dans la révolte contre la police israélienne. Très critiquée par la minorité arabe d’Israël pour son inaction face à la criminalité, elle a provoqué un tollé en installant des barrières sur les marches menant à la porte de Damas, entrée arabe de la Vieille ville. Un affront aux Palestiniens dont l’identité nationale repose notamment sur la défense de la mosquée Al Aqsa. Apaisement ou répression ? L’ambiguïté israélienne s’entendait dimanche jusque dans les propos du premier ministre Netanyahou déclarant qu’Israël imposerait la loi et l’ordre à Jérusalem « de manière agressive et responsable ».

Et puis l’agenda est explosif. Layla al Qadr, la nuit la plus sainte du Ramadan célébrant la première révélation du Coran au prophète Mohammed, a eu lieu vendredi : plus de 90’000 fidèles musulmans sont venus prier à la mosquée Al Aqsa. Cette année – le calendrier musulman, lunaire, change chaque année – c’est trois jours avant la Journée de Jérusalem. Un événement lors duquel les Israéliens en célèbrent la réunification suite à la victoire lors de la Guerre des Six-Jours, en défilant chaque année depuis trente ans dans les rues de la Vieille ville. Leur parcours ? La porte de Damas et le quartier musulman. Les manifestants juifs pourraient même être autorisés à entrer sur le Mont du Temple, nom juif de l’Esplanade des Mosquées. Un programme si risqué que les responsables de la sécurité imploraient dimanche le gouvernement d’en changer sinon la date, au moins le tracé.

Le potentiel d’embrasement est tel le nouvel occupant de la Maison Blanche a réagi pour la première fois à l’actualité israélo-palestinienne. Un Joe Biden « extrêmement inquiet » tout comme le Quartette pour le Proche-Orient, le pape François, l’Egypte, la Turquie ou la Jordanie qui tous dimanche soir, retenaient leur souffle face à des heures décisives pour la stabilité de la région.