Vent nouveau sur la diplomatie israélienne

Photo: IStock

L’artisan du nouveau gouvernement Yaïr Lapid a choisi de devenir ministre des Affaires étrangères. De quoi apporter un nouveau souffle à la manière dont Israël gère ses relations internationales.

Il tient sa revanche. Huit ans après s’être vu refuser le poste par Benjamin, voici Yaïr Lapid ministre des Affaires étrangères. Le fait que l’homme-clé du gouvernement investi dimanche choisisse de diriger ce ministère en dit long sur l’importance qu’il donne à la diplomatie.

Désireux de s’attribuer sans partage les victoires obtenues grâce à ses relations avec Donald Trump, Netanyahou a considérablement affaibli le travail des diplomates israéliens au cours de ces dernières années. Ecarté des grandes décisions, son budget coupé, le ministère des Affaires étrangères s’est vu concurrencé par une branche diplomatique indépendante créée par le bureau du Premier ministre. Le département des Affaires étrangères a assisté en spectateur aux succès diplomatiques de ces derniers mois, des Accords d’Abraham avec plusieurs Etats du Golfe et le Maroc jusqu’à la reconnaissance américaine de la souveraineté israélienne sur le Golan ou le transfert de l’ambassade US à Jérusalem. Court-circuiter l’administration et tout miser sur les relations personnelles, la recette avait vertement critiquée par Yaïr Lapid en 2019. « Nous ne parlons plus ni à l’Union européenne, ni aux démocrates américains ou aux institutions internationales : nous ne parlons qu’à ceux qui pensent comme Netanyahou ou qui lui sont indifférents ».

Au contraire, Yaïr Lapid est un partisan du dialogue. Ancienne star de télévision, romancier et poète, le quasi-sexagénaire originaire de Tel Aviv, arrivé en politique sur le tard avec la création en 2012 de Yesh Atid (« Il y a un avenir »), tient le centrisme d’un Emmanuel Macron comme un modèle de gouvernance. Pragmatique, il a axé le programme de son parti sur des questions sociales à même de rassembler ses concitoyens. Aujourd’hui, il va chercher à réhabiliter la diplomatie « en utilisant les fonds auparavant octroyés au ministère des Affaires stratégiques. C’était en fait une officine de propagande qui attaquait les critiques d’Israël de manière si caricaturale que cela desservait la cause », tacle une source diplomatique.

« Le duo Bennett-Lapid va apporter un ton nuancé et responsable à la politique extérieure d’Israël », estime Meïr Javedanfar. Spécialiste de l’Iran, il souligne cependant qu’avec un faucon tel que Naftali Bennett au poste de Premier ministre, il ne faut s’attendre à aucun revirement sur les questions brûlantes telles que le nucléaire iranien ou le sort des Palestiniens. La nouveauté, c’est que désormais, Israël a un ministre des Affaires étrangères qui lie les deux problématiques. « La question iranienne dépend de la question palestinienne. Si nous ne progressons pas vis-à-vis des Palestiniens, nous ne pourrons convaincre ni le public saoudien, ni le Congrès américain ou les juifs américains, ni l’Union européenne et les pourvoyeurs de fonds des Etats du Golfe », avait déclaré Yaïr Lapid lors d’une conférence en Israël. Mais avec un nouveau Premier ministre connu pour son soutien à la colonisation, les Palestiniens ne se font aucune illusion sur l’amélioration de leur situation.

En plus de réorienter la diplomatie israélienne, le départ de Benjamin Netanyahou ouvre un nouveau chapitre dans les relations avec l’administration américaine. On l’a vu immédiatement. En janvier, Benjamin Netanyahou avant dû patienter un mois avant de recevoir un coup de fil de Joe Biden, une attente si longue qu’elle était devenue l’objet de blagues en Israël. Dimanche soir, il a fallu au président américain moins de deux heures pour téléphoner à Naftali Bennett. Un rapprochement auquel le nouveau président de l’Etat d’Israël Isaac Herzog pourrait fortement contribuer. Diplomate expérimenté, président de l’Agence juive et cadre du parti travailliste, il entretient de très bons liens avec les démocrates américains. Une perspective d’apaisement qui rend la sortie de scène de Benjamin Netanyahou plus mémorable encore. Dimanche soir, il a osé s’en prendre directement à Joe Biden en comparant son retour à l’accord sur le nucléaire iranien à la négligence américaine envers les juifs européens pendant l’Holocauste.