L’aura grandissante du Hamas auprès des Palestiniens

Manifestation à Gaza (image d'archives, 2009. Crédit: IStock Photo)

Galvanisé par les récents affrontements avec Israël, le parti islamiste est aujourd’hui perçu comme une alternative solide à un Fatah faible et corrompu

Yasser Arafat doit se retourner dans sa tombe. Un sondage publié par le Palestinian Center for Policy and Survey Research a confirmé mardi l’affection croissante des Palestiniens, y compris de Cisjordanie, pour ses adversaires du Hamas. Déçus par le leadership déficient du président Mahmoud Abbas, marqués par les actions militaires récentes des islamistes, 53% des Palestiniens estiment aujourd’hui que ces derniers sont dignes de les représenter, contre 14% seulement pour le Fatah. Les trois quarts des sondés affirment par ailleurs que le Hamas est sorti gagnant de la confrontation du mois de mai avec Israël. Le même nombre croit qu’il s’est engagé pour défendre Jérusalem et non faire concurrence au Fatah.

Des résultats qui montrent un changement «drastique» de l’opinion, selon l’analyste Khalil Shikaki, même si la portée doit en être nuancée. «Il se pourrait fort bien que dans trois à six mois, l’enthousiasme retombe face à l’impuissance politique du Hamas.» Pour l’heure, après une marche de l’extrême droite israélienne mardi à Jérusalem-Est ayant mené à de nouveaux échanges de tirs entre le Hamas et l’armée israélienne dans la bande de Gaza, le mouvement a le vent en poupe.

Large appel à la démission d’Abbas

Ce qui avantage les islamistes de Gaza, c’est la faiblesse de leur adversaire Mahmoud Abbas. Lui qu’on s’obstine à percevoir à l’étranger comme un partenaire incontournable pour la paix subit aujourd’hui une telle crise de légitimité que, début juin, quelque 3000 intellectuels et personnalités publiques palestiniens ont signé une pétition l’appelant à démissionner.

Le fait qu’elle émane principalement de personnes vivant hors des territoires palestiniens semble plus indiquer une crainte de représailles de la part des hommes du Fatah qu’un soutien au président Abbas: ces dernières années, les sondages du Palestinian Center for Policy and Survey Research indiquent invariablement que 60% des Palestiniens veulent son départ. Un décalage profond avec l’image d’homme incontournable de la paix que cet octogénaire conserve à l’étranger.

L’atout militaire

Depuis le mois d’avril, ses décisions ne font que contribuer au succès du Hamas. Chef à lui seul du Fatah, de l’OLP et président de l’autorité palestinienne, Mahmoud Abbas a prétexté le refus d’Israël d’autoriser le scrutin à Jérusalem-Est pour annuler les premières élections dans les territoires palestiniens depuis quinze ans. «Il a ainsi pu échapper à une défaite électorale cuisante face au Hamas, mais les Palestiniens ont été convaincus de manière définitive de l’impuissance de leur président à Jérusalem», relève une source diplomatique.

Au mois de mai, le Hamas a enfoncé le clou en démontrant l’ampleur de sa capacité militaire face à l’«agresseur israélien des lieux saints musulmans» dans la ville. «Par les armes, il s’est fait le protecteur du projet de libération nationale, ce qui contraste d’autant plus avec la posture de Mahmoud Abbas, étant donné que le Fatah collabore avec Israël sur le plan sécuritaire», expliquait récemment Tareq Baconi, spécialiste du Hamas pour l’International Crisis Group.

Entre le Hamas et la population, une relation complexe

Lors de la guerre éclair qui, en onze jours, a emporté la vie de 250 habitants des territoires palestiniens et 13 d’Israël, le Hamas «est sorti de la cage dans laquelle Israël et le Fatah tentent de le contenir depuis 2007. Une sortie d’autant plus magistrale que pour la première fois depuis des années, les Palestiniens, où qu’ils vivent, semblaient unis par une cause commune», affirmait Tareq Baconi dans une intervention publique la semaine dernière.

Il ne serait pourtant pas si difficile à Mahmoud Abbas de retourner la situation, car les Palestiniens entretiennent une relation complexe avec le Hamas. «Ils sont fiers des succès militaires, mais ont très peur de l’idéologie islamiste et désapprouvent la façon dont il dirige Gaza. Plus généralement, ils en ont marre de ses factions qui ont la réputation de ne travailler que pour leurs intérêts propres», analysait récemment Tareq Baconi.

Le vieux président pourrait «tenter de réformer l’autorité palestinienne corrompue et autoritaire ou tenter une percée diplomatique pour la cause palestinienne coincée depuis douze ans. Mais il ne parle pas au public et ne semble n’avoir ni plan ni stratégie», déplore Khalil Shakiki.