Israël peine à affronter la quatrième vague

A Jérusalem. Photo: IStock

S’il a été un pionnier de la vaccination, l’Etat hébreu paie désormais la précipitation avec laquelle il met en place certaines mesures contre le coronavirus

« Il y a deux mois, nous croyions avoir gagné la guerre. Nous nous trompions. Aujourd’hui, nous comprenons que nous n’avions remporté qu’une bataille ». Le mea culpa du chef de la task force anti-COVID Salman Zarka résonnait cette semaine avec une force particulière dans un Israël débordé par l’épidémie avec près de 10’000 nouveaux cas par jour. Au total, plus d’un million d’Israéliens dont la population est sensiblement de même taille que la Suisse ont été atteints par le virus. Endormi qu’il était sur les lauriers de la vaccination massive et précoce qui en faisait un pionnier il y a peu, l’Etat d’Israël est prêt à tout pour échapper à un nouveau confinement. A la clé, une gestion volontariste et ultra-rapide au risque de négliger financement et faisabilité.

Des soignants lâchés par l’Etat

Premier exemple : le budget alloué à la santé publique. Voilà des années que le personnel soignant, comme dans de nombreux autres pays du globe, se plaint de financements insuffisants. En Israël, la situation est devenue si critique que cette semaine, sept hôpitaux se sont mis en grève partielle, et il s’agit d’établissements situés dans des zones-clé du pays. Deux à Jérusalem dont le fameux Hadassah, un dans la ville de Bnei Brak où vivent des ultra-orthodoxes très touchés par le COVID-19, un à Netanya et enfin trois à Nazareth, une ville de Galilée peuplée d’Arabes israéliens eux aussi massivement infectés. Dans ces établissements, le personnel travaillait ces derniers jours au ralenti, refusant même certains malades du COVID-19. Il leur manque 300 millions de shekels (85 millions de francs suisses) que l’Etat doit leur verser, sans compter les 55 millions de shekels supplémentaires promis depuis juillet pour faire face à la surcharge. Dans les unités dédiées aux malades du coronavirus, l’ambiance est lourde comme en témoigne Sarah, infirmière spécialisée en soins intensifs. « La direction a rappelé en urgence du personnel venant de partout, il n’y a pas d’esprit d’équipe et on ne sait pas comment l’Etat nous aidera à tenir », affirme-t-elle.

Des parents en stress

Deuxième exemple : la gestion morale et logistique des nouvelles mesures imposées aux enfants, dans un pays où les familles nombreuses sont fréquentes – Israël connaît un taux de natalité de 3,1 enfants par femme contre 1,5 en Suisse. Mercredi dernier, le gouvernement a décidé que les bambins dès trois ans devaient présenter un test PCR négatif datant de moins de 24 heures pour entrer dans tout lieu public fermé, excepté les magasins. Du côté des parents, c’est la panique. Mère de deux enfants de 5 et 7 ans, Tal qui avait pris quelques jours de vacances de son emploi à l’Institut Technion pour emmener ses enfants au zoo ou à la piscine a tout annulé. « Être coincé en Israël tout l’été, ça ne suffit pas, il faut encore attendre des heures dans des salles d’attente surchargées pour un test qui n’est valide que quelques heures ! », enrage-t-elle sur un groupe Whatsapp de parents où les smileys furieux ponctuent des échanges frénétiques en hébreu. Centres de tests débordés, panne informatique de grande ampleur… les parents se demandent déjà à quoi ressemblera la rentrée scolaire du 1er septembre alors que leurs enfants devront montrer un test négatif pour entrer en classe.

Des communautés à l’écart

Enfin, si l’on présente toujours Israël en champion du vaccin, on oublie les inégalités fondamentales des campagnes orchestrées par le gouvernement qui faute d’inspirer la confiance à certains segments de la population, peine à faire passer ses messages. Ainsi, sur le plus d’un million d’Israéliens qui refusent la vaccination, 31% sont issus de la minorité arabe (21% de la population totale) et 16% des ultra-orthodoxes (12% des Israéliens). Une visite dans un hôpital d’une petite ville arabe israélienne de Galilée suffit pour comprendre le problème : port du masque et distanciation sociale sont quasi ignorés. Rétablie il y a quelques jours à peine après avoir été abandonnée et sous-financée pendant des mois, la task force consacrée à la minorité arabe aura du travail. La tâche sera peut-être moins difficile du côté des juifs très pieux. La semaine dernière, un de leurs rabbins les plus influents, le vénérable Chaïm Kanievsky, a déclaré l’exclusion des enseignants non-vaccinés des écoles ultra-orthodoxes. Une mesure sans concessions à l’image d’un pays qui pour l’instant, préfère imposer que convaincre pour gagner cette guerre pas comme les autres.