Les chrétiens coptes au coeur de la tourmente

les-chretiens-coptesjpg_page1Comme les chrétiens d’Irak, leur église, parmi les plus anciennes du monde, est la cible d’attaques et de discriminations consternantes. Le point sur l’histoire et la situation des coptes d’Egypte.

Au cœur de l’actualité bien malgré eux, les problèmes qu’affrontent les chrétiens coptes démontrent au moins une chose: les discours du président égyptien Hosni Moubarak sur l’unité nationale du pays restent lettre morte dans les faits. Car les relations entre musulmans et chrétiens, qui ont toujours eu du mal à cohabiter, sont désormais marquées du sceau de la défiance.

Une situation qui désavantage clairement les chrétiens, qui ne représentent que 6 à 10% des Egyptiens – des chiffres qui suscitent la polémique depuis toujours. Les chrétiens coptes se réclament pourtant comme les plus Egyptiens des Egyptiens, affirmant que leur langue liturgique, le copte, est très proche de celle parlée à l’époque du Pharaon. Quant à la «croix de vie», un de leurs symboles, elle ne serait rien d’autre qu’un des attributs du dieu Anubis, une des figures religieuses majeures du panthéon polythéiste. Quant au mot «copte» lui-même, il signifierait «égyptien». Ces chrétiens partagent avec ceux d’Irak leur ancienneté extraordinaire – leur église a été fondée au premier siècle de notre ère déjà – et un présent, un avenir très incertains.

Nous avons demandé à Laure Guirguis, politologue spécialiste de la question copte et auteur de «Conversions religieuses et mutations politiques en Egypte – tares et avatars du communisme égyptien», de nous expliquer pourquoi la communauté copte est, elle aussi, la cible d’extrémistes.

Pourquoi y a-t-il autant de tensions entre les Egyptiens chrétiens et musulmans?
Parce qu’au moment de l’émancipation nationale égyptienne, la dimension religieuse a été mise en avant comme une composante essentielle de l’identité nationale. Cette idée a été renforcée depuis les années 1930 par les divers courants de l’islam politique, et par les régimes successifs au pouvoir. La société égyptienne est donc communautariste et marquée par de nombreuses discriminations, certaines tacites, d’autres inscrites dans la loi – comme la construction d’églises, par exemple, qui suit des règles strictes. Les attaques contre les coptes et la séparation d’avec les musulmans ont été décuplées suite à la recrudescence des groupes radicaux dans les années 1970.

Pourtant, les discours officiels ne parlent que d’unité nationale…
Parce que les acteurs politiques – tout comme bon nombre d’Egyptiens – ont longtemps voulu nier l’ampleur du problème. On l’a vu quand, en janvier, le président égyptien Moubarak a voulu attribuer la responsabilité des attentats à une «main étrangère» qui viendrait semer la dissension confessionnelle. Or, il faut comprendre que l’islamisation grandissante incite les coptes à se replier sur eux-mêmes: les amitiés et les rapports cordiaux entre chrétien et musulmans sont rares et l’identité religieuse est devenue un critère déterminant pour tout.  Des discours de haine sans précédent sont désormais diffusés par voie de prêche, de publications bon marché, sur tous les médias audiovisuels et internet.

Quelle place occupent-ils actuellement dans la société?
Les coptes sont répartis à tous les niveaux de la hiérarchie sociale, mais sont parfois désavantagés. Ils sont écartés de nombreuses fonctions importantes comme directeur de l’exécutif, directeur de province ou recteur d’université. Par ailleurs, il leur est de plus en plus difficile d’être élus au parlement. En 2005, le président Moubarak a décidé de permettre à plusieurs candidats de se présenter aux élections présidentielles. De nombreux Egyptiens ont profité de cette ouverture pour revendiquer une véritable égalité des droits pour les coptes. Mais la logique identitaire, voire sectaire, a eu raison de cet élan. Et désormais, les tensions entre communautés sont plus fortes que jamais.

Peut-on imaginer que le régime Moubarak puisse être fragilisé par les attaques contre les coptes?
Je ne sais pas. Bien entendu, si ces attaques se renouvellent, le régime sera de plus en plus embarrassé, il réprimera, il fauchera dans les rangs frères, dans les rangs des divers courants salafistes. Mais je pense qu’il en faudrait bien davantage que cela pour le déstabiliser.

Comment imaginez-vous l’avenir des chrétiens d’Egypte?
La recrudescence des violences risque de se poursuivre au moins jusqu’aux prochaines élections présidentielles (septembre 2011, n.d.l.r.). Il est difficile de faire des pronostics à plus long terme. Mais les dernières violences ont également suscité une mobilisation sans précédent. Il ne faut donc pas perdre espoir, même si le chemin de la réconciliation ne sera pas facile: la tâche à accomplir pour changer les pratiques et restaurer la confiance est énorme.

Les chrétiens coptes au coeur de la tourmente