« Le christianisme est une question juive »

le-christianisme-est-une-question-juivejpg_page1Professeur de philosophie à Bordeaux et écrivain, Armand Abécassis donne une conférence à Lausanne sur l’héritage qui unit judaïsme et christianisme.

Pourquoi vous être autant impliqué dans le dialogue avec les chrétiens?
Armand Abécassis: Parce que Jésus était juif. Comme je le dis souvent, il n’est jamais entré dans une église et n’a jamais lu les Evangiles! Toute son inspiration, il la puisait dans la Torah. Or, Jésus et ses disciples, juifs comme lui, ont provoqué une profonde crise au sein de la communauté israélite. La naissance de la foi chrétienne est donc une problématique juive avant tout et il est de notre responsabilité de nous y intéresser, et de dialoguer avec ceux qui en sont les héritiers.

Vous n’échangez pas avec les musulmans. Pourquoi?
La judéité de Jésus inscrit les traditions juive et chrétienne dans la même lignée, ce qui n’est pas le cas de l’islam. Et puis, les tentatives de partage spirituel se sont toutes soldées par des échecs. Les colloques tournent très vite à l’affrontement politique: la question du conflit israélo-palestinien parasite tout échange.

Vous avez par ailleurs dit de ce conflit qu’il pouvait être un obstacle au dialogue avec les chrétiens. Pour quelles raisons?
Parce que de nombreux chrétiens nient le fait qu’Israël est un pays juif. Or, même le mot «Palestine» n’est apparu qu’en 120 après Jésus-Christ! Même si les Palestiniens ont le droit légitime d’y résider, à l’origine, ce pays est juif. Ensuite, ces mêmes chrétiens donnent systématiquement raison aux Palestiniens. Certains se permettent même de remettre l’existence d’Israël en question. Comment peut-on dès lors dialoguer?

Qu’est-ce qui vous choque dans l’interprétation chrétienne de l’Ancien Testament?
Certains l’ont lu sans changer de perspective: ils y ont cherché des allusions à la venue de Jésus, qu’ils considéraient comme l’aboutissement du judaïsme. Or, il y a un salut hors de l’Eglise, et on peut aller au Père autrement que par le Fils, contrairement à ce qu’affirment les Evangiles. Il faut sortir de ce dogme.

Vous qui êtes engagé depuis longtemps dans le dialogue entre juifs et chrétiens, comment le voyez-vous évoluer?
Vite et dans la bonne direction: il y a eu la visite du pape en Israël et dans les synagogues, des actes et des paroles de repentir par rapport à la Shoah. De nombreuses associations chrétiennes se sont créées un peu partout. Elles favorisent l’étude commune des textes religieux, un échange vrai et engagé… Tout cela me rend très heureux.

« Le christianisme est une question juive »