Le service militaire, prochaine pomme de discorde à la Knesset

Un soldat et un juif orthodoxe prient au Mur des Lamentations à Jérusalem. Photo: iStock Photo, archives

Les partis Yesh Atid et Foyer Juif ont fait de la conscription des juifs ultra-orthodoxes, dispensés d’armée jusqu’à présent, un de leurs thèmes de campagne. Nul doute que cette exemption fortement contestée sera âprement débattue par la prochaine coalition israélienne.

« Si l’Iran nous attaque, vous croyez vraiment que leurs prières nous sauveront? », s’exclame David Sobel, sergent-major dans l’armée israélienne Tsahal, lors d’un entretien à l’ats à Jérusalem. Comme nombre de ses compatriotes, ce jeune soldat est scandalisé par le fait que les ultra-orthodoxes soient dispensés d’armée alors que lui doit y passer trois ans. Mais cette étonnante exemption ne date pas d’hier: David Ben Gourion, fondateur de l’Etat d’Israël, en décide en 1947 déjà.

Amadouer les ultras
Cette année-là, cet athée convaincu doit élaborer une stratégie pour amadouer les juifs ultra-orthodoxes, qui voient son projet sioniste laïc d’un très mauvais oeil, « convaincus que seul le messie peut établir l’Etat d’Israël et qu’un Etat juif crée par l’homme est une hérésie », explique Alexandra Eliora Herfroy-Mischler, professeure d’histoire à l’université hébraïque de Jérusalem. David Ben Gourion signe donc un accord appelé « lettre du statut quo » dans lequel il accorde aux ultraorthodoxes la mainmise sur les instances religieuses et l’établissement d’instances éducatives propres, en échange de quoi ces derniers ne s’opposeront pas à ses projets. Trois ans plus tard, les « hommes en noir » obtiendront l’exemption du service militaire, car « ils ont l’intime conviction que l’étude de la Torah est l’unique moyen de garantir la pérennité du peuple juif et d’Israël », explique Mendel Naparstek, délégué rabbinique de la communauté juive de Lausanne.

« Jamais de la vie! »
Ils opposent un autre argument à leur entrée dans l’armée: le non-respect des lois juives, qu’ils appliquent avec une rigueur absolue. « Mes fils, en uniforme? Alors que les hommes et les femmes combattent ensemble, que les règles de consommation de nourriture ne sont pas respectées? Jamais de la vie! », jure Yehudit, une mère de huit enfants qui vit à Bnei Brak, la ville la plus religieuse d’Israël. La loi Tal, entrée en vigueur en 2002 et abrogée en 2012, a eu beau tenter d’aménager l’entrée dans l’armée des ultra-orthodoxes, Tsahal a eu beau créer des unités militaires réservées aux plus observants, rien n’y a fait: selon Tsahal, l’an dernier, 25% des hommes mobilisables – dont une moitié de haredim – étaient aux abonnés absents.

Des portes qui claquent
La question n’en finit pas d’attiser la colère des laïcs, de mobiliser la Haute Cour de justice qui a jugé la loi Tal anticonstitutionnelle il y a une année, et d’agiter la classe politique. En juillet dernier, elle avait déjà poussé le vice-premier ministre Shaul Mofaz à claquer la porte du gouvernement, insatisfait des mesures proposées pour remédier à la situation. L’arrivée à la Knesset du parti de centre-gauche Yesh Atid, désormais deuxième parti du pays avec 19 sièges, va remettre l’épineuse question au menu du jour. Evoquant l’armée lors de la campagne électorale, son chef Yair Lapid avait déjà asséné que « le fardeau n’est pas réparti équitablement avec les autres secteurs de la société ». Naftali Bennett, chef de l’ultranationaliste Foyer Juif, ne dit pas autre chose puisqu’il fait partie du mouvement sioniste religieux qui estime que la défense militaire de la terre sainte d’Israël est une obligation religieuse.

Survie en jeu
La question devient urgente, la population ultra-orthodoxe étant toujours plus nombreuse en raison d’un taux de natalité largement supérieur à la moyenne israélienne. L’Etat hébreu ne peut se permettre qu’une majorité de sa population continue de refuser de servir une armée qui a valeur de symbole national et garantit sa survie à long terme. L’empoignade, à la Knesset, promet d’être mémorable.

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