Netanyahou s’allie à la droite extrémiste

Le Parlement israélien. Photo: IStock

Fondé par des adeptes du rabbin raciste Meir Kahane, Force juive a été intégré par Benyamin Netanyahou à la coalition de droite grâce à laquelle il espère gagner les élections. Une stratégie du sauve-qui-peut alors que ses deux principaux concurrents ont fusionné leurs partis

Trente et un ans après son exclusion du Parlement, l’extrême-droite raciste incarnée par le parti Force juive a gagné mercredi son ticket dans la course aux sièges de la Knesset. Une promotion qu’elle doit au parti Foyer juif qui a accepté de s’en faire une alliée en vue des élections du 9 avril. La nouvelle écœure de nombreux Israéliens, car Force juive se revendique du Kach, parti raciste et violent interdit par l’Etat d’Israël au titre des lois antiterroristes en 1994. Son fondateur, Meïr Kahane, qui avait créé le groupuscule d’auto-défense Ligue de Défense Juive en 1968 à New York, a inspiré plusieurs extrémistes juifs avant et après son assassinat en 1990. Parmi eux, le tristement célèbre médecin israélo-américain Baruch Goldstein, responsable le 25 février 1994 du massacre de 29 Palestiniens en prière dans le Caveau des Patriarches de Hébron.

Un jeu de pouvoirs

Comment un tel revirement est-il possible ? La réponse, il faut la chercher dans la fragilité politique de Netanyahou qu’on a vu mercredi annuler en dernière minute un rendez-vous avec le président russe Vladimir Poutine afin de se consacrer au jeu électoral. L’insécurité du Premier ministre a deux causes. D’abord, le bloc religieux de droite sur lequel il s’appuie pour sa réélection est aujourd’hui fragmenté en pas moins de six partis politiques. Cela complique le jeu des alliances pour obtenir les 61 sièges sur 120 pour gouverner, mais aussi l’accès de chacune des formations au seuil fixé pour briguer un siège à la Knesset : 3,25% des votes. Si un parti obtient un score inférieur, des milliers de voix sont perdues.

Des extrémistes à séduire

Dans ce calcul, les extrémistes de Force juive sont intéressants pour Netanyahou. En 2015, le parti a obtenu 2,97% des votes. Bien que marginal dans le paysage politique israélien, il a assez de poids pour devenir un partenaire, puisque ce score équivaut à trois sièges. En alliant Force juive à Foyer juif, le Premier ministre a rétabli sans états d’âme l’extrême-droite afin renforcer les sionistes religieux abandonnés par deux ministres : Ayelet Shaked (Justice) et Neftali Bennett (Education), aujourd’hui leaders de La Nouvelle Droite.

Une forme de contre-culture

On aurait pourtant tort de croire qu’héritiers de Meïr Kahane et religieux sionistes font bon ménage. D’ailleurs, Netanyahou a dû promettre les ministères de l’Education et du Logement ainsi que deux sièges dans le Cabinet de sécurité pour que le chef de Foyer juif Rafi Peretz accepte le rapprochement. C’est que Force juive porte un projet de société si radical qu’il est une forme de contre-culture à l’intérieur de l’Etat d’Israël, à côté duquel les religieux sionistes de Foyer juif sont nettement plus modérés. Les adhérents de Force juive sont violemment racistes. Affiliés à des groupes comme Lehava et Helma qui luttent contre les relations entre juifs et non-juifs, ils prônent la séparation totale d’avec les « Arabes », voire leur déportation massive.

Le choc de la mort d’Ori

Outre le fait que la société israélienne est toujours plus à droite, les récents événements pourraient contribuer au succès de ce parti. Les Israéliens sont toujours sous le choc de l’assassinat sordide, il y a deux semaines, d’Ori Ansbacher, une jeune femme de 19 ans massacrée par un Palestinien de Hébron se revendiquant du Hamas. Force juive n’a pas hésité à réclamer encore une fois le rétablissement de la peine de mort dans des messages sur les réseaux sociaux abondamment diffusés. L’actualité hors d’Israël alimente aussi les crispations identitaires et les juifs qui ne partagent pas leurs visions sont particulièrement visés. Sur Facebook, un francophone commentait ainsi l’agression du philosophe français juif Alain Finkielkraut à Paris : « Les souteneurs (…) de la création d’un Etat arabe d’invasion de notre terre (…) s’ils se font insulter par des pro-palos en France, ils n’ont que ce qu’ils méritent ».

Fusion au centre et à gauche

Mais il n’est pas sûr que l’alliance entre les diverses tendances de la droite porte ses fruits, car le centre et la gauche aussi se préparent à la bataille. Jeudi, Benny Gantz, l’ancien général à la tête de Résilience pour Israël et Yair Lapid, le chef de Yesh Atid (Il y a un avenir) rejoints par l’ancien chef d’état-major de Tsahal Gabi Ashkenazi, ont annoncé la fusion de leurs partis en une nouvelle formation appelée « Bleu et Blanc ». En cas de victoire, Benny Gantz serait Premier ministre pendant deux ans et demi avant que Yair Lapid puisse lui aussi gouverner. Un autre mariage dans le feuilleton particulièrement agité des partis politiques israéliens en quête de pouvoir.