Coup de pioche israélien aux Accords d’Oslo

A Sour Baher, l'armée israélienne se prépare en ce lundi 22 juillet à démolir pour la première fois une habitation située en zone contrôlée par l'Autorité palestinienne. Photo: Lucie Alistair

Pour la première fois, Israël a démoli lundi des maisons situées à Sour Baher, village contrôlé par l’Autorité palestinienne. Un acte qui crée un précédent dangereux pour les Palestiniens.

Une visite à Sour Baher, ça se mérite. Il faut trouver ce village palestinien qui n’est situé qu’à 8 kilomètres au sud-est de Jérusalem mais dont personne ne connaît le chemin. Triompher des innombrables trous et bosses de l’exécrable route qui y mène. Puis abandonner sa voiture pour zigzaguer sans se casser la figure entre les chardons, les briques de maisons en construction et les ânes paissant au milieu des oliviers.

C’est qu’en ce lundi torride, il faut éviter 700 policiers et 200 soldats chargés de barrer la route aux intrus, car le gouvernement israélien a infligé à ce hameau un coup de pioche que personne n’est près d’oublier. Il a certes démoli la maison – et la vie – d’Ismaïl Abadiyeh, un père de six enfants qui y avait investi toutes ses économies, mais il n’y a là rien de nouveau. Il n’est pas une semaine sans qu’un foyer palestinien soit détruit par un bulldozer, surtout dans la Ville sainte où l’Etat hébreu mène une politique de colonisation particulièrement offensive.

Dans une zone intouchée jusque-là

Ce qui est innovant en revanche, c’est que pour la première fois, Israël a enfreint ouvertement la répartition territoriale décidée par les Accords d’Oslo. Il a en effet démoli une maison en zone A, c’est-à-dire relevant de la compétence exclusive de l’Autorité palestinienne selon le texte qui stipule que la zone B est quant à elle mixte, et la C israélienne. De quoi faire trembler les Palestiniens qui ont choisi la zone A pour, justement, éviter d’entendre le grondement des bulldozers briser leur rêve d’un foyer.

«Vous voulez voir le prétexte avancé par les Israéliens?» Marwan, un habitant de Sour Baher, grimpe sur la colline qui surplombe les bâtiments autour desquels s’affaire l’armée israélienne. Ils sont situés juste à côté du mur de séparation. Or dès 2012, l’Etat juif a affirmé que toute construction palestinienne dans un certain périmètre autour de cette barrière devait être interdite, même si les permis ont déjà été émis par l’Autorité palestinienne, la présence de maisons si proche pouvant faciliter l’intrusion de terroristes en Israël. Un argument que les Palestiniens contestent en affirmant que pour l’Etat hébreu, tous les moyens sont bons pour les expulser de leurs terres.

Détruire eux-mêmes leurs maisons

La bataille de sept ans a pris fin le 18  juin. «Les propriétaires concernés ont reçu l’ordre de démolir eux-mêmes leurs maisons sous un mois. Sans quoi c’est l’Etat d’Israël qui s’en chargerait… avant de leur envoyer la facture», raconte Barbara, qui travaille pour une organisation internationale s’occupant de violations des droits de l’homme. Le comble pour les Palestiniens expulsés, déjà endettés sur des années pour réaliser leur rêve, à l’image d’Ismaïl Abadyeh. Il n’est pas le seul à trembler pour son sort. Aujourd’hui, quelque 350 personnes sont concernées à Sour Baher, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires des Nations unies (OCHA), qui estime que la décision concerne en tout dix bâtiments.

Ce qui s’est passé lundi aura des répercussions bien au-delà du petit village. Le précédent que crée la démolition israélienne de maisons situées dans une zone de juridiction palestinienne fait craindre que, désormais, les autorités israéliennes prendront la liberté de démolir tous les bâtiments palestiniens à proximité du mur, peu importe la terre sur laquelle ils se trouvent. Alarmés, une vingtaine de diplomates, représentant des pays européens pour la plupart, se sont rendus le 16  juillet à Sour Baher pour signaler leur désaccord. Et lundi, les réactions négatives se sont multipliées de la part notamment de l’Union européenne et des Nations unies. Le premier ministre palestinien Mohamed Shtayyeh a aussi affirmé que l’Autorité palestinienne se plaindrait jusqu’à la Cour pénale internationale.

Pas de quoi inquiéter un gouvernement israélien largement indifférent aux critiques. Pas de quoi soulager l’impuissance de Mohamed, un habitant du village, qui depuis son balcon à Sour Baher, lance, amer, alors que le dynamitage va commencer: «Je crois que c’est là qu’il faut appeler au secours l’ONU, l’UE, le président Abbas. Dommage, il n’y a personne…»