Israël inhabituellement bavard sur ses frappes

Jets de l'aviation israélienne (archives / IStock)
Les frappes israéliennes en Irak du 19 juillet dernier ont marqué le début d’une communication peu commune de la part de l’Iran et d’Israël au sujet de leurs opérations militaires.
Dans un conflit, c’est comme au poker: parfois, il faut abattre ses cartes. En moins de 72 heures, Israël et l’Iran en ont fait une rare démonstration en assumant publiquement leurs manœuvres militaires l’un contre l’autre au Moyen-Orient. La cause de cette inhabituelle prolixité? Un article du New York Times paru jeudi dernier.
Tout a commencé le 19 juillet lorsque Israël a mené des frappes en Irak pour anéantir une cache d’armes appartenant à des milices chiites soutenues par l’Iran. L’attaque n’a pas fâché que Bagdad et Téhéran, qui y ont vu une volonté d’étendre la zone du conflit. Les alliés américains aussi se sont mis en colère, craignant que leurs liens avec l’Irak ne pâtissent de la manœuvre israélienne. Donald Trump et son équipe ont choisi d’exprimer leur mécontentement de manière remarquablement indiscrète en révélant jeudi dans le New York Times qu’Israël avait «mené plusieurs attaques ces derniers jours en Irak». Des propos court-circuitant la stratégie des Israéliens qui restent d’habitude ambigus sur ce type de manœuvres pour éviter que Téhéran et Damas ne soient forcés de riposter pour sauver la face.
Attaque de drones déjouée
Washington a divulgué, Téhéran a dévoilé. Quelques heures à peine après les déclarations américaines, un commentateur proche des Gardiens de la Révolution prédisait dans le quotidien Kayhan en une description inhabituellement prolixe que les Israéliens auraient des «surprises». Et d’énumérer les tirs possibles de drones sur des cibles sensibles telles que des ports, des lieux sécurisés et des sites nucléaires. Les actes ont rapidement suivi les paroles.
Dans la nuit de samedi à dimanche, Israël a déjoué de justesse une attaque de drones sur le nord du pays depuis un village syrien, menée personnellement par le général Soleimani dirigeant la Force Al-Qouds, unité d’élite des Gardiens de la révolution iranienne. La surprise iranienne? Les drones étaient kamikazes, soit destinés à exploser sur leur cible, du jamais-vu. Trois combattants – un Iranien et deux du Hezbollah – ainsi que deux personnes non identifiées ont été tués dans l’offensive israélienne, selon l’Observatoire syrien pour les droits de l’homme.
Toujours dans la nuit de samedi à dimanche mais à Beyrouth cette fois, deux drones ont provoqué d’importants dommages matériels en s’écrasant près de Dahyeh, un quartier tenu par le Hezbollah. Immédiatement accusé par le premier ministre libanais, Saad Hariri, et le Hezbollah, Israël n’a pas commenté. Et dimanche après-midi, six personnes sont mortes dans l’attaque par des drones non identifiés d’un convoi militaire à la frontière entre la Syrie et l’Irak.
Muet sur ces deux événements, le premier ministre Netanyahou n’a en revanche pas été à court de tweets bibliques vengeurs pour se réjouir de l’opération en Syrie. «Celui qui vient pour te tuer, tue-le d’abord», a-t-il écrit dimanche quelques minutes à peine après l’attaque, une première communication suivie d’une foule de détails inhabituels fournis par son bureau et par Tsahal sur le déroulement des opérations. Une manière de rappeler aux amis comme aux ennemis qu’Israël peut frapper fort, et aux électeurs israéliens, à 24 jours des élections, que Benyamin Netanyahou sait défendre Israël.
Reste à savoir ce qui ressortira de cette périlleuse partie de cartes. Dimanche, l’armée israélienne déployait son bouclier Dôme de Fer dans le nord du pays tandis que le leader du Hezbollah, Hassan Nasrallah, qualifiait l’attaque israélienne de «très, très dangereuse» dans un discours devant des milliers de partisans.