La visite israélienne à l’Arabie saoudite, un message pour l’Iran

La Kaaba, premier lieu saint de l'islam à La Mecque, en Arabie saoudite. Photo Istock

Un premier ministre israélien en Arabie saoudite, voilà une première historique. Ca s’est passé hier soir. Accompagné du chef du Mossad, Benjamin Netanyahou s’est rendu à Neom, une ville saoudienne du bord de la Mer Rouge. Il y a rencontré le prince héritier Mohamed Ben Salman en présence du secrétaire d’Etat américain Mike Pompeo. Aline Jaccottet, vous êtes notre correspondante en Israël. Qu’est-ce qui explique ce rapprochement spectaculaire entre les deux pays ?

Israël et l’Arabie saoudite ont un ami commun, Donald Trump, et un ennemi commun, l’Iran. Donald Trump a été un allié extraordinaire pour le gouvernement Netanyahou et il a toujours soutenu la monarchie saoudienne. Il a aussi mené la guerre à l’Iran dès le début de son mandat.

Le problème, c’est que cet ami, Donald Trump, s’en va bientôt. Et il est remplacé par un homme, Joe Biden, qui a déjà annoncé qu’il rouvrirait les négociations avec l’Iran sur le nucléaire. Israël et l’Arabie saoudite ont donc tout intérêt à se serrer les coudes avant son entrée en fonction. D’autant que l’Iran gagne du terrain au Proche-Orient, notamment en Syrie, au Yémen, en Irak et au Liban. Et qu’il continue d’augmenter la quantité d’uranium qu’il enrichit – et ça, ça inquiète encore plus Israël.

Qu’est-ce que le prince héritier saoudien espère de ce contact avec Israël ?

La monarchie veut d’abord tester l’opinion publique pour voir à quel point elle accepterait une relation avec Israël. Et le prince voudrait redorer son image de réformiste. La monarchie saoudienne a mauvaise réputation. Il y a l’absence de démocratie, les violations des droits de l’homme… Et en plus cette année, rien ne se passe comme espéré. A cause du coronavirus, le pèlerinage à La Mecque a été annulé, le sommet du G-20 à Riyadh s’est fait en vidéoconférence et le cours du pétrole a chuté. Bref, un lien avec Israël permet d’avancer sur le plan diplomatique malgré tout. Et de ne pas être à la traîne par rapport aux autres pays du Golfe.

L’Arabie saoudite c’est le gardien des lieux saints de l’islam. Le voir établir des liens avec Israël ça a quel impact sur les Palestiniens et sur le monde musulman plus généralement ?

Les temps changent et ils ne changent pas en faveur des Palestiniens. On l’a vu en septembre avec les accords d’Abraham conclus entre Israël, les Emirats arabes unis et le Bahreïn. On parle maintenant d’une paix avec Oman, le Qatar et le Soudan, de la reconnaissance d’Israël par le Pakistan… Bref, sale temps l’autorité palestinienne, d’autant que l’Arabie saoudite avait soutenu qu’il n’y aurait pas d’accord avec Israël sans Etat palestinien.

Et côté israélien, comment cette rencontre en Arabie saoudite est accueillie ?

Avec beaucoup d’enthousiasme. Aux yeux de l’opinion publique, c’est un véritable coup d’éclat de la part de Netanyahou. De quoi faire oublier la commission d’enquête établie quelques heures auparavant sur une affaire de corruption qui le concerne, celle dite des sous-marins. Autant dire que l’escapade saoudienne tombait à point.