Rencontre historique entre Israël et l’Arabie saoudite

Le drapeau saoudien. Photo Istock

En rendant publique sa visite au prince héritier Ben Salman sous égide américaine, Benyamin Netanyahou renforce le front contre l’Iran avant le départ de Donald Trump

C’est une escapade de deux heures qui fait beaucoup de bruit. Dimanche soir, le premier ministre israélien a faussé compagnie à ses ministres. Cap sur une ville saoudienne du bord de la mer Rouge où il s’est entretenu avec le prince héritier saoudien, Mohamed ben Salman, en présence du chef du Mossad et de Mike Pompeo, le secrétaire d’Etat américain. Une entrevue inédite qui poursuivait plusieurs objectifs.

Il s’agissait d’abord de signaler l’existence d’un front commun face à l’Iran. Alors que l’Agence internationale de l’énergie atomique indiquait récemment que Téhéran continue d’augmenter sa quantité d’uranium enrichi, le futur président américain, Joe Biden, a d’ores et déjà annoncé qu’il rouvrirait les discussions sur ce programme nucléaire. Une direction qui déplaît fortement au gouvernement israélien et à la monarchie saoudienne.

L’ombre de Jamal Khashoggi

Côté israélien, la révélation de cette entrevue fait bien entendu le bonheur du premier ministre Netanyahou. Alors que l’Etat hébreu n’est pas à l’abri d’une quatrième élection, «Bibi» a réalisé un joli coup face à ses adversaires politiques. Son escapade saoudienne survient d’ailleurs quelques heures à peine après que Benny Gantz, son rival, a annoncé l’établissement d’une commission d’enquête sur une affaire qui le concerne, celle dite des «sous-marins». Une vente contre des pots-de-vin considérée comme une des plus grosses affaires de corruption de l’histoire du pays. «Benny Gantz fait de la politique, Benyamin Netanyahou fait la paix», a claironné sur Twitter le bras droit du premier ministre en commentant la rencontre israélo-saoudienne. «Encore faut-il savoir si Netanyahou a bien réfléchi aux conséquences de cette entrevue face au Congrès américain qui ne digère pas l’assassinat par la monarchie saoudienne du journaliste Jamal Khashoggi», relève une source diplomatique.

Du point de vue saoudien, la rencontre israélienne avec le prince héritier répond à deux objectifs. D’abord, «prendre la température par rapport à l’opinion publique, ce qui explique pourquoi le gouvernement n’a pas officiellement confirmé la rencontre. La monarchie va observer les réactions pour comprendre à quel point les Saoudiens sont prêts à ce rapprochement», selon Ofer Zalzberg, directeur du programme Proche-Orient à l’Institut Kelman pour la transformation de conflit. Pour le prince héritier Mohamed ben Salman, il s’agit aussi de faire avancer un agenda diplomatique qui permettrait à la monarchie saoudienne de se moderniser. Du moins en apparence, l’essentiel étant de faire oublier l’absence de démocratie et les violations constantes des droits de l’homme.

Un coup de poignard

Quant au gouvernement américain, il a trouvé par la mise en lumière de cette rencontre le moyen de «prouver l’ampleur de son travail diplomatique en faveur d’Israël dans le monde arabe. Le secrétaire d’Etat Mike Pompeo a certainement pensé à assurer son avenir personnel et politique en faisant en sorte que les lobbies pro-Israël gardent un bon souvenir de lui», affirme l’analyste Ofer Zalzberg.

Les grands perdants de cette rencontre, ce sont bien entendu les Palestiniens. L’Arabie saoudite a beau soutenir qu’il n’y aura pas d’accord avec Israël sans la création d’un Etat palestinien, comme le stipule l’initiative arabe qu’elle a initiée, il semble qu’en coulisses quelque chose d’autre se trame. Après les Accords d’Abraham conclus avec les Emirats arabes unis et le Bahreïn, cette rencontre est un coup de poignard de plus pour la cause palestinienne. A Gaza, le Hamas et le Djhad islamique l’ont condamnée, parlant d’une «trahison d’Al-Aqsa et de La Mecque».