Le grand huit des Israéliens jusqu’aux urnes

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Le gouvernement fantôme de Benyamin Netanyahou et Benny Gantz n’aura tenu que sept mois. Débute une campagne électorale extraordinairement mouvementée entre la gestion du coronavirus, le changement d’acteurs politiques et un procès qui commence bientôt.

Le glas a sonné mardi à minuit. Pour la troisième fois en moins de deux ans, le gouvernement israélien est tombé. Victime de l’affrontement entre deux hommes, Benyamin Netanyahou et Benny Gantz, incapables de s’entendre sur la mise en œuvre de l’accord passé en mai et comprenant un budget pour l’Etat et un tournus au poste de premier ministre. Personne pour s’étonner de l’échec de cette coalition conclue uniquement pour obtenir les 61 sièges nécessaires à la formation d’un gouvernement.

« Il faut absolument une réforme électorale pour éviter une telle situation. Ce n’est pas normal que les Israéliens doivent choisir leur gouvernement en moyenne tous les deux ans et trois mois », affirme Yohanan Plesner, directeur de l’Institut d’Israël pour la démocratie. En attendant la tenue des prochaines élections, le 23 mars, les semaines qui viennent pourraient réserver des surprises.

Un nouveau venu contre Netanyahou

D’abord, parce qu’un nouveau venu entre dans l’arène contre «Bibi»: Gideon Saar. C’est grâce ou à cause de lui selon l’interprétation que l’on en fait que le parlement a été dissous, en convainquant des députés de voter dans ce sens. Ce fidèle du Likoud – plus de vingt ans dans le parti – en a claqué la porte la semaine dernière pour créer sa propre formation politique appelée «Nouvel Espoir – Unité pour Israël».

Introduit par Benyamin Netanyahou à la chose publique, il n’est pas le premier «Brutus» du chef du gouvernement. Avant lui, les politiciens Avigdor Lieberman et Naftali Bennett avaient aussi tourné le dos au premier ministre. Mais en soulignant son ras-le-bol face au «culte de la personnalité» qu’il dénonce au sein du Likoud, Gideon Saar, dont le but avoué est de «débarrasser Israël de Bibi», fait mouche auprès des électeurs. Un sondage de la chaîne publique Kan le donnait talonnant le premier ministre comme «papable» à ce poste. Pour Yohanan Plesner, cette élection ouvre «la possibilité d’une coalition qui refuse de coopérer avec Netanyahou».

Cette coalition, Gideon Saar pourrait la chapeauter. Au centre et à gauche par contre, il n’y a plus personne. Les électeurs du parti Bleu et Blanc de Benny Gantz sont si déçus de la manière dont il a tenu le choc face à «Bibi» que plusieurs figures du parti ont déjà annoncé leur départ. Le centre gauche est mourant, au point que le Parti travailliste, la formation historique de la gauche israélienne, pourrait se voir éjecté du parlement. Quant aux députés arabes de la Liste jointe, ils ne peuvent plus compter sur leur électorat que la gestion gouvernementale du coronavirus a détourné plus encore de la chose publique.

Un premier ministre face aux juges

Ensuite, parce que l’Etat d’Israël verra pour la première fois de son histoire un premier ministre en exercice s’asseoir sur le banc des accusés devant une cour. Le procès de Benyamin Netanyahou commence début février avec la présentation des preuves. Le politicien a été inculpé en novembre 2019 pour corruption, fraude et abus de confiance dans trois affaires. «Netanyahou a refusé d’accepter un budget et d’honorer ses engagements politiques afin de rester au pouvoir pour la durée de son procès», commente le directeur de l’Institut d’Israël pour la démocratie. Reste à voir comment les images du premier ministre face à ses juges seront reçues par l’opinion publique.

Par ailleurs, les Etats-Unis changent de président le 20 janvier. Benyamin Netanyahou a ainsi perdu un allié précieux en la personne de Donald Trump. Il lui a permis de réaliser des coups diplomatiques, par les accords de normalisation avec les pays arabes, dont il pourra se vanter. Par contre, personne ne sait encore précisément comment l’arrivée à la présidence américaine du démocrate Joe Biden influencera le jeu politique israélien.

Enfin, il y a l’imprévisible coronavirus. Benyamin Netanyahou peut se targuer d’avoir fourni le vaccin Pfizer à Israël avec une rapidité extraordinaire. Début décembre, il annonçait que le gouvernement s’était procuré de quoi vacciner 2 millions d’Israéliens d’ici à fin janvier, et mercredi, trois jours après le début de la campagne, plus de 70 000 personnes avaient déjà reçu une première dose. En même temps, des mesures impopulaires sont en vigueur depuis mercredi soir, comme l’interdiction pour les étrangers d’entrer sur le territoire et l’isolement obligatoire dans des hôtels pour les Israéliens de retour au pays. Un pays suspendu à l’annonce d’un confinement débutant le jour de Noël pour vingt-cinq jours, privé au pire moment d’un budget et d’un leadership à la hauteur de la crise.