En Israël, la quatrième vague interroge les scientifiques

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Pionnier de la vaccination, l’Etat hébreu affronte un nombre de cas journaliers record alors que les écoles viennent de rouvrir

Après plusieurs jours d’un pic inquiétant, Israël commence à respirer. Le nombre de cas graves est en légère diminution (675 mercredi contre 753 dimanche), tout comme le pourcentage de tests positifs (6,74 mercredi contre 7,65 lundi). Israël dont la taille de la population (9,1 millions d’individus) est similaire à celle de la Suisse (8,8 millions) a vu ces derniers jours des pics à près de 11 000 nouveaux cas par jour alors que 6 millions d’Israéliens ont reçu une dose du vaccin, 5,5 millions les deux et 2,3 millions un rappel.

Cette dernière vague soulève ainsi des questions importantes sur l’épidémie. Les réponses des experts israéliens Michal Linial, professeure de biochimie et de bio-informatique à l’Université hébraïque de Jérusalem, et Nadav Davidovitch, directeur de l’Association israélienne des médecins de santé publique.

Le Temps: Comment expliquer un tel nombre de contaminations dans un pays où les gens sont si massivement vaccinés?

Michal Linial: Nous sortons d’une pause estivale lors de laquelle les enfants de moins de 12 ans qui ne peuvent pour l’instant être vaccinés ont participé à de nombreuses activités de groupe propices à la propagation de la maladie. A cela s’est ajoutée, dans la deuxième partie de l’été, l’obligation de les tester pour entrer dans tout lieu public excepté les magasins.

Le profil des cas positifs a ainsi changé en Israël: ce sont des jeunes asymptomatiques. Le taux d’infection prouve par ailleurs que les deux premières doses du vaccin ne protègent que cinq à six mois, pas plus. Nous sommes les premiers à en faire l’expérience puisque nous avons vacciné très tôt la population.

Nadav Davidovitch: Il y a plusieurs facteurs. Le variant Delta est extrêmement contagieux et les autorités ont été très passives entre avril et juillet, en levant toutes les restrictions et en laissant voyager plus librement les individus. Parce que la campagne de vaccination avançait très vite, nous avons imaginé qu’Israël avait atteint l’immunité de masse et vaincu le coronavirus. Nous payons aujourd’hui le prix de cette illusion.

A un certain moment à la mi-août, 59% des 514 Israéliens hospitalisés étaient complètement vaccinés. Est-ce que ça signifie que le vaccin est inefficace?

M. L.: Pas du tout, et cette question montre une incompréhension de l’analyse statistique des données appelée paradoxe de Simpson.

Il montre qu’on peut faire dire beaucoup de choses à des chiffres sortis de leur contexte. En Israël aujourd’hui, 90% des seniors et individus à risque sont vaccinés. Les personnes non vaccinées ne représentent donc que 10% de la population, pourtant ils représentent 40% au minimum des cas d’hospitalisation. Et plus les formes sont sévères, plus les non-vaccinés sont surreprésentés. Cela montre bien que le vaccin fonctionne contre les complications.

Ce qui compte vraiment, c’est la comparaison dans la population globale entre vaccinés et non vaccinés. Les résultats sont clairs: ceux qui n’ont pas été immunisés ont jusqu’à 15 fois plus de risques d’être hospitalisés.

De quelles informations dispose-t-on sur l’efficacité de la troisième dose?

M. L.: L’Etat hébreu fonce sur les rappels. Plus de 2,3 millions d’Israéliens ont reçu une troisième injection et la campagne a été étendue dimanche à toute personne âgée de 12 ans et plus, avec comme seule condition d’avoir reçu la deuxième il y a au moins cinq mois. Dès le premier octobre, les personnes qui n’ont pas reçu un troisième rappel après avoir été inoculées il y a plus de six mois ne seront plus considérées comme vaccinées.

N. D.: Les premiers résultats montrent que la troisième dose est encore plus efficace que les deux premières injections combinées. Israël est aujourd’hui dans une situation fragile mais très prometteuse grâce au nombre de personnes qui ont accepté ce rappel. Nous suivons de très près sa distribution depuis maintenant un mois et tout indique que non seulement il est sûr au niveau des effets secondaires mais qu’il va permettre d’être plus tranquilles pour un moment.

Malgré les instants difficiles que nous avons traversés cet été, nous sommes en très bonne position dans la lutte contre le coronavirus. Il faut maintenant investir tous les efforts nécessaires pour convaincre le million d’Israéliens encore non vaccinés de recevoir les injections qui les protégeront.